RFI-Afrique – Le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani succède au Comorien Assoumani à la présidence tournante de l’Union africaine.
Un choix presque in extremis, tant les tensions entre le Maroc et l’Algérie en Afrique du nord (à qui revenait le poste de la présidence) empêchaient un consensus.
Quoi qu’il en soit, la tâche de la présidence mauritanienne dans un contexte de crise dans plusieurs zones du continent ne sera pas simple. C’est ce que pense Ibrahima Kane, chercheur à la fondation Open Society. Entretien.
RFI : Ibrahima Kane, le choix de Mohamed Ould Ghazouani comme président de l’Union africaine, c’était le choix du plus petit dénominateur commun pour l’Afrique du Nord entre le Maroc et l’Algérie, qui avaient quelques dissensions et qui se sont finalement accordés sur la Mauritanie ?
Ibrahima Kane : Tout à fait, c’est vraiment une solution de dernière minute parce que pendant presque toute une année, l’Afrique du Nord n’était pas parvenue à désigner un pays devant assurer la vice-présidence au sein du bureau de l’Union africaine qui avait été nommé l’année dernière, et donc, puisque la présidence devait échoir à l’Afrique du Nord, elle n’a pas pu trouver un nom et ce n’est qu’au dernier moment que la Mauritanie a accepté de prendre la position.
Compte tenu du profil de Mohamed Ould Ghazouani, qui a été chef du renseignement en Mauritanie, ministre de la Défense, qui est donc le représentant d’un pays où le terrorisme n’a plus voix au chapitre depuis presque une décennie maintenant, n’y a-t-il quand même pas un certain nombre de paramètres qui jouent en sa faveur ?
Oui, en étant militaire dans ses rapports avec les présidents du Mali, du Niger, du Burkina, il peut faire valoir ses atouts d’homme du rang pour peut-être bien discuter avec eux. Mais les problèmes de l’Afrique ne se limitent pas à la zone du Sahel. Les problèmes de l’Afrique, à l’heure actuelle, c’est d’abord la paix et la sécurité au Soudan, la paix et la Sécurité en Afrique centrale. Ça, ce sont des problèmes vraiment très sérieux pour le continent. Récemment, lors de l’ouverture du sommet de l’Union africaine, le président de la commission de l’Union africaine avait même parlé d’une organisation qui était presque sur le point de s’effondrer. Et donc, il s’agit de vraiment repenser l’organisation continentale et là, je suis même persuadé qu’il faudra plus que des connaissances en terrorisme et autres du président pour agir. Là, il va falloir qu’il mette en avant ses connaissances diplomatiques et autres pour pouvoir arriver à gérer les situations en Afrique.
C’est mission impossible pour Mohamed Ould Ghazouani ?
Presque ! C’est presque mission impossible, et j’ajoute qu’il y a aussi d’autres questions qui impliquent l’avenir dans le futur. L’Union africaine a commencé sa participation au G20. Il faudra non seulement participer aux activités de ces institutions, trouver les moyens de pouvoir faire avancer ces dossiers à ce niveau-là, il y a beaucoup de choses à régler. La réforme du Conseil de sécurité des Nations unies, là où l’Afrique veut au moins avoir deux places, cela ça requiert beaucoup de la part du président en exercice, beaucoup de doigté, de networking et autres. Et rappelez-vous en dernier lieu, ce qui paraît un peu même paradoxal : c’est un président qui doit se faire élire au mois de juin 2024 dans son pays. Donc, vous imaginez que ces six prochains mois, le président sera beaucoup plus orienté à faire une campagne électorale au niveau du pays qu’à s’occuper des affaires africaines. La présidence mauritanienne va être une présidence assez difficile, assez compliquée.
Quelle est la méthode que Mohamed Ould Ghazouani devra adopter pour essayer de faire avancer les différents dossiers qui meurtrissent le continent en ce moment ?
Ce qu’il doit faire, c’est choisir ses combats. Dans le discours qu’il a prononcé, il a beaucoup insisté sur le thème de l’année, c’est-à-dire la modernisation de l’éducation en Afrique, mais aussi de faire en sorte que ces systèmes éducatifs puissent produire les ressources humaines dont l’Afrique a besoin pour les années à venir. Ça peut vraiment être un combat qu’il peut mener. La deuxième chose, c’est peut-être travailler dans l’approfondissement de la Zlecaf, la Zone économique de libre échange africaine, qui commence à prendre forme, surtout s’il est vraiment préoccupé par la modernisation et l’approfondissement des relations économiques entre les États africains. Il peut jouer un rôle important. Dernièrement, je pense que dans les crises à venir, il y a au moins dans laquelle, en tant que pays de la zone arabophone d’Afrique, il peut jouer un rôle : c’est la crise du Soudan. La Mauritanie a d’excellents rapports avec les pays du Golfe, notamment l’Arabie saoudite. Elle peut éventuellement utiliser ces rapports pour essayer de faire avancer ce dossier.
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