Ce dialogue en perspective est voué à l’échec comme les précédents, faute d’une réelle volonté, par manque de sincérité, paradoxalement de ceux qui appellent de leurs vœux au dialogue.
Les signes ne trompent pas. Ils présagent d’un dialogue orienté, calculé, des concertations dont les conclusions sont déjà écrites.
En effet, les actes que posent les initiateurs du dialogue ne rassurent personne. Quand on appelle au dialogue, on est conscient d’une crise, d’un malentendu, d’un dysfonctionnement…
Conséquence d’un regret se traduisant par une volonté de rupture, de mieux faire, de changer au besoin de paradigme, d’être plus attentif et inclusif.
Appeler au dialogue, suppose qu’on est conscient du malaise, qu’on a identifié les écueils, les difficultés et les préoccupations de son interlocuteur, de ses interlocuteurs.
Mais alors, pourquoi lancer un dialogue juste pour faire de la communication politique ? Pourquoi un dialogue alors qu’on persiste et signe dans la même logique ?
Au moment où les autorités appellent au dialogue, on voit qu’elles continuent sans sourciller, à multiplier des actes sources de désunion, de crise politique et sociale, pouvant conduire à la fracture de la république.
Parmi ceux-ci, la décision de levée de l’immunité parlementaire à deux députés, de l’opposition évidemment, et la vraie opposition. Même si les autorités se réservent de révéler l’identité de ces représentants du peuple. Un secret de polichinelle : tout le monde sait de qui il s’agit. Dans un contexte de dialogue, on prône la désescalade, on fait profil bas, on calme le jeu et on cesse la provocation.
L’autre fait qui corrobore la thèse selon laquelle, ce dialogue en gestation n’en est pas un. C’est la rafle au faciès, qui cible officiellement les étrangers subsahariens dans sa mise en œuvre. Chaque Etat a ses lois.
Chaque Etat est souverain. Cependant, dans un pays où l’on n’arrive toujours pas à régler, à évacuer, à dépasser, à solder le passif humanitaire que d’aucuns appellent génocide, on doit se démarquer de tout ce qui peut rappeler, une telle tragédie.
Ma mère aime répéter ce proverbe Soninké: « Lorsque quelque chose de rouge a emporté ( tué) ton père , à chaque apparition du soleil, tu prends peur en disant il arrive « . Traumatisés par les évènements des années 90, les Noirs Mauritaniens, sans être complaisants avec les étrangers, sans vouloir les soutenir, craignent pour eux-mêmes : le retour des vieux démons. Est-ce qu’ils ont tort ? Mais non, la façon dont se comportent les forces de l’ordre ne peut rassurer aucun Mauritanien de peau noire, surtout lorsqu’il ne parle pas Hassaniya.
Ainsi, il revient aux autorités, une fois de plus de comprendre que leurs compatriotes, n’ont pas fini de refouler les années de braises, en les épargnant des méthodes de brutalité, de violence dont ils font l’objet dans leur interpellation, à chaque fois qu’ils sont confondus aux étrangers. l’État peut être ferme sans être « inhumain ». Il peut appliquer la loi sans piétiner, insulter, traumatiser ses propres citoyens sous prétexte d’une lutte contre l’émigration clandestine.
Que dire alors de ces compatriotes « sans identités » arrêtés, des sans-papiers créés par notre propre état civil ?
Les envoyer vers d’autres pays ? Je m’en voudrais à vie, si un jour, il m’arrivait de faire du mal à un compatriote surtout lorsque je suis dépositaire d’une portion de l’autorité publique.
Quel sadisme ! Sans mauvaise volonté, sans un agenda caché, la chasse aux clandestins ne peut emporter des Mauritaniens.
Aucun Mauritanien Blanc ou Noir n’est tombé du ciel. Nous avons tous des attaches quelque part: une famille, une tribu, un quartier, un village, une région, des amis d’enfance etc.Interroger ces éléments sociaux, géographiques, historiques, si vous avez un doute sur la nationalité d’un Mauritanien devenu apatride par la seule volonté de notre système d’enrôlement, la réponse ne saurait tarder.
Nous sommes un petit pays. On se connait tous. Nous sommes très imbriqués, même si nous œuvrons avec la bénédiction des politiques à nous détester, à nous séparer, à nous diviser etc.
Voilà des faits concrets, des méthodes, des agissements, des comportements de nos autorités, qui attestent que le dialogue qu’elles mijotent n’est qu’un écran de fumée.
Celui qui est conscient de la nécessité du dialogue, ( de dialoguer), s’inscrit dans une dynamique de remise en cause, d’apaisement, d’accommodation, de renoncement, de concession, d’arrangement. Il fera tout pour éviter la confrontation, le conflit, la provocation, le cafouillage, le camouflage et le double langage, qui sont vecteurs de crises, de déstabilisation et de chaos.
Seyré SIDIBE