Moctar Ould Ndiay, nommé premier ministre au sortir du scrutin du 29 juillet, à l’entame du second mandat de Ould Ghazouani. Ce choix est une contradiction avec le réquisitoire, du président Ould Ghazouani contre la corruption dans son discours d’investiture.
Le second mandat qui commence sera un remake du premier. Aucun changement n’est envisageable, si l’on continue de reconduire les mêmes personnes. Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Ould Ndiay même blanchi faisait partie du banc des présumés accusés du dossier azizien de la décennie, dont le dénouement a surpris plus d’un observateur : une grosse tempête dans un verre d’eau.
On attend, sans suspens, la composition du nouveau gouvernement, les mêmes visages reviendront. Les mêmes quotas, les mêmes logiques et schémas détermineront les castings (arguments de recrutement) : tribalisme, communautarisme voire racisme, féodalisme, prééminence et maitrise de la langue Arabe.
Et enfin, la compétence sera le parent pauvre du mode de recrutement. Curieusement, dans quelques mois, quelques années, on se plaindra du manque de résultats …
Ce que nous sommes, est plus fort que ce que nous voulons être
Si l’on a le loisir de choisir sa diplomatie, de s’afficher avec qui l’on veut, de créer une filiation génétique taillée sur mesure voire factice, on finit toujours par être rattrapé par une réalité plus que têtue, son voisinage. Les États subissent « la loi de la proximité », la géopolitique imposée par leurs frontières.
Quand on regarde le profil des invités venus honorer, la Mauritanie à l’occasion de l’investiture du président Ould Ghazouani pour un second mandat, on peut y entrevoir sans être brillant analyste politique, le substrat (l’ADN) de notre identité en tant que nation, imposée par notre environnement naturel, identité à laquelle est venue se greffer une autre. Cette dernière ne gêne personne, elle est au contraire source d’enrichissement, tant qu’elle n’entre pas en conflit contre la première pour la liquider.
Cette alchimie dosage, de cette double attraction identitaire, exercice auquel tous les pouvoirs ont échoué faute de volonté réelle est la cause première de l’échec jour après jour du projet Etat-nation souhaité par les participants du Congrès d’Aleg (mai1958).
Finalement, notre environnement naturel que nous valorisons peu s’est imposé. Au moins les quatre (4) chefs d’Etats du continent ont répondu à l’invitation de la Mauritanie : le président de Guinée-Bissau, le président sénégalais, les présidents de la Gambie et du Tchad. Les autres, pour certains juste à nos frontières se sont contentés de nous envoyer des personnages secondaires, une manière de nous exprimer, le degré de considération qu’ils nourrissent pour nous. Ce que nous valons pour eux. Le message a le mérite d’être clair mais comme toujours, on ne veut rien entendre.
La promesse réitérée de Ould Ghazouani, renouvelée à la jeunesse
» Oui, ce sera un mandat de la jeunesse, parce que la jeunesse est l’espoir de notre nation, sa force, son présent et son avenir, et il n’y a pas d’espoir pour une nation qui ignore sa jeunesse, laissant ses énergies hors des voies de l’éducation, de la formation, de l’intégration et de la participation ». Trop de slogans sans effets.
La jeunesse a perdu tout espoir à cause de la corruption, du népotisme, du clientélisme et la persistance des pratiques néfastes héritées, qui créent deux jeunesses aux destins séparées. Une première, minoritaire bien née et qui a tous les arguments pour assurer la relève, alors que la seconde est déshéritée, désavantagée et végète pour lutter, échapper à un ordre implacable imposé par une accumulation d’injustices et de discriminations. Or, dans le cadre des politiques visant à promouvoir la jeunesse, c’est encore la jeunesse choyée et sortie de la cuisse de la bourgeoisie qui en profite au détriment de critères objectifs et transparents.
L’émoi d’un « peuple » contre l’assassinat d’Ismael Haniyeh
L’assassinat du leader du Hamas a montré jusqu’où la Mauritanie est un pays traversé par des antagonismes hardis qui ont eu raison de son éclosion en tant qu’Etat-nation.
En effet, contrairement aux autres pays, en Mauritanie, on a l’impression de voir deux peuples sur un même territoire, unis par l’islam (Sunnite Malekite) mais s’appuyant sur des références différentes. Deux peuples qui ont des logiques, des logiciels, des héros, des martyrs antagonistes.
Alors que l’autre peuple rend hommage de manière ostentatoire au chef du Hamas Ismaïl Haniyeh, tué à Téhéran, mercredi, 31 juillet 2024, l’autre peuple rend hommage aux victimes de Kaédi à la suite de contestation post-électorale, consécutive à la proclamation des résultats du scrutin présidentiel du 29 juin dernier. Celles-là, n’ont bénéficié d’aucune commisération de l’Etat et de son peuple. Un peuple qui ne célèbre pas les mêmes héros, les mêmes victoires, et qui ne pleure pas les mêmes échecs.
In fine, deux peuples aux grilles de lecture diamétralement opposées, partagent le même espace sans projet de développement commun et viable pour tous. Si bien que le martyr de l’un est un imposteur, un lâche, un bourreau, un criminel, un minable pour l’autre. Les référentiels sont dans une logique qui rappelle celles des droites parallèles distinctes.
Quelle complexité inventée, entretenue et nourrie durant des années par tous les régimes qui se sont succédé au pouvoir depuis l’indépendance. Ils sont tous complice et coupable. Chacun a contribué d’une manière ou d’une autre à diviser, à séparer en créant la haine et la zizanie entre les mauritaniens sur la base de la langue, la tribu et la race etc.
La Mauritanie est donc malade dans sa chair, dans son être. Un malaise provoqué par ses dirigeants au lendemain de l’indépendance, en optant pour des choix politiques divisionnistes et hégémoniques, visant à tuer, effacer une partie de la double identité du pays au profit de celle qui plait à l’élite dirigeante dans son projet assimilationniste voire colonisateur.
Malheur à ceux qui ont initié ce projet néfaste qui a fini par compromettre l’unité nationale et le vivre- ensemble en Mauritanie.
Seyré SIDIBE