La primauté de la condition sociale sur la langue

La primauté de la condition sociale sur la langue

Pendant longtemps, appartenir à une même communauté linguistique, parler la même langue, était une raison suffisante pour défendre de facto, les mêmes intérêts et partant appartenir à un même « empire ». C’était s’inscrire dans une même communauté des destins. En effet, la langue était un lien fort qui transcendait les marigots, les rivières, les fleuves, les montagnes, les dunes et même les océans pour  fédérer, rassembler des locuteurs venus de partout et de nulle part.

Dans une échelle plus grande, la francophonie est  devenue une véritable cacophonie pour certains,- ils ne s’y retrouvent pas – et se sentent plus liés à des lusophones, anglophones ou arabophones par le fait qu’ils ont en commun les mêmes problèmes existentiels.

Parler la même langue était source de rapprochement, de complicité et de confiance mutuelle ; si bien que les locuteurs d’une même langue partageaient les mêmes croyances et préjugés, des normes et références communes : ce qui était suffisant pour qu’ils  s’unissent pour le meilleur et pour le pire.

 La langue était ainsi l’un des critères de classification les plus déterminants comme la tribu, dans certains pays du monde, qui représente la référence Absolue, et dont la prééminence et la stature vont jusqu’à concurrencer, la nationalité ainsi que l’Etat et ses symboles.

Cette fracture est également observée dans la religion qui a montré ses limites : prier dans la même mosquée, fréquenter la même synagogue ou la même paroisse  ne suffissent plus pour créer les conditions d’une alliance qui garantit la paix et la cohésion sociales.  

Désormais, seule la condition sociale  s’impose  comme l’élément fédérateur le plus pertinent capable de créer des liens sincères et francs entre les humains :   plus fraternels que  les rapports sociaux et communautaires classiques basés sur la race, la langue, la tribu, l’appartenance géographique ou culturelle.

L’injustice, la discrimination, la marginalisation, l’exclusion créent ainsi des dynamiques sociales, « une supra classe sociale » portée par des réalités  et contextes socio-politiques, économiques et culturelles spécifiques : des nouvelles alliances. Il en est de même pour une position sociale avantageuse et confortable qui rassemble des individus autour des mêmes intérêts et se moque de leurs appartenances diverses et spécifiques.

Dès lors, s’investir à défendre une langue, même de surcroit maternelle est certes une démarche identitaire et naturelle, mais elle ne peut garantir l’émancipation et l’égale dignité de toute la communauté linguistique et ethnique – les inégalités  sociales  mises « en jachère » referont surface une fois le but atteint- ; on combat une injustice venue du dehors et on camoufle et maintien celle de l’intérieur.

La langue est certes un facteur d’unité mais une unité de façade. Elle n’est pas toujours égalitaire pour tout le monde. Ses voyelles et consommes n’ont pas les mêmes longueurs et les mêmes largeurs pour tous les locuteurs, sa musicalité sonne différemment, selon les locuteurs : les intérêts sont divergents selon les classes.

En revanche, la condition sociale crée une ferveur et une rencontre heureuse entre des « victimes » de tous bords  unies  par l’instinct de survie pour former une communauté hétérogène du fait de la diversité des provenances et origines pour « fraterniser ensemble » autour d’un même destin, souvent implacable. Ce lien est plus fort que la parenté, la famille et la langue ou encore les classifications sociales traditionnelles et statiques.

La langue surtout lorsqu’elle fait référence à une « communauté ethnique » a cessé d’être un critère déterminant et identitaire pour unir  des individus par ce que conjuguant seulement le même verbe. En effet, elle n’exprime pas toujours la même sagesse et la même fierté de s’y identifier pour tous les membres de la communauté linguistique. 

En définitive, seule la condition sociale compte. Elle transcende et bouscule les liens et alliances traditionnels basés sur la langue ;  par le fait qu’elle est partagée et commune à  des millions et de milliers de personnes qui ne se connaissent forcement pas, ne se sont jamais rencontrées, mais liées par  le besoin de s’affranchir, de s’émanciper d’une situation qui les broie, leur ampute une partie de leur dignité et de leur humanité.

 Il faut donc compter avec cette nouvelle classe, une alliance nouvelle  dynamique, ouverte, supranationale et mondiale née   de l’expérience et du vécu  pour défendre le même idéal et des intérêts Existentiels quasi identiques.

   Seyré SIDIBE 

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