Au-delà de la médiatisation du viol de l’étudiante mauritanienne

Au-delà de la médiatisation du viol de l’étudiante mauritanienne

Le viol d’une jeune étudiante à Nouakchott par trois jeunes garçons, il y a quelques jours, a montré jusqu’où les Mauritaniennes et les Mauritaniens réprouvent et condamnent ce crime odieux.

Au lendemain du viol d’une étudiante, il y a eu des concerts de réactions sur la toile, et même des manifestations dénonçant la banalisation du viol dans notre société. Plusieurs voix se sont levées – acteurs de la société civile, journalistes, blogueurs, citoyens lambdas, de mères de famille, pères de familles, adolescents et adolescentes – pour demander à ce que les présumés violeurs soient sévèrement punis.

C’est toute la société mauritanienne qui est montée au créneau pour dénoncer le viol, et demander une sanction exemplaire à la mesure du crime inqualifiable et inacceptable – le viol – puni par nos lois, notre morale et notre religion islamique.

Cette mobilisation est en soi une démarche citoyenne à saluer pour interpeller les politiques, les gouvernants sur l’un de leurs devoirs et obligations : la sécurité des citoyens, des personnes et de leurs biens.

Cependant, il faut reconnaître que les viols sont quasi quotidiens dans notre société. Ce qui a donné un grand écho au viol de cette étudiante, c’est sûrement sa médiatisation et son caractère crapuleux et barbare, des qualificatifs assez faibles pour exprimer la violence et la sauvagerie de l’acte. Mais, il existe dans notre société esclavagiste, qui a encore du mal à s’affranchir de certaines pesanteurs sociales ou traditions néfastes des viols tolérés dont on tait par pudeur.

Les viols sous la bannière de la tradition : banalisés

S’insurger contre le viol, c’est d’abord condamner l’esclavage et toutes les pratiques visant à réduire certaines personnes au statut de bien meuble, c’est-à-dire des maitres qui deviennent propriétaires d’autres personnes. En effet, là où sévit l’esclavage, et ce quelle que soit la forme, le viol y trouve un terreau fertile et devient une pratique courante et normalisée. Le viol sous la couverture de la tradition est subtil, quasi légitimé du fait que la victime ne peut se plaindre. La tradition lui a « violé » la faculté de réfléchir, de refuser, de protester …

Au contraire, on fait croire à la victime que c’est une relation normale qui lui procure son humanité et sa dignité, en s’accouplant avec le maître par exemple.

Ces viols-là, ne semblent pas intéresser tous les Mauritaniens y compris certaines organisations de la société civile parce qu’ils sont commis dans le cadre d’une pratique certes criminalisée (l’esclavage), par les lois mais loin de l’être dans les mentalités et la réalité.

Ce sont des viols silencieux, cachés, couverts et protégés parce que commis par des puissants contre les « gueux » de la société, des sans-voix, des « sans- statuts ». Ces abus sexuels ou viols touchent à une échelle variable toutes nos communautés nationales, le paramètre de prégnance est lié au rapport entre maitre et esclave ainsi que le niveau de persistance de l’esclavage dans chaque société. Les mariages forcés, encore récurrents dans nos communautés, sont dans la plupart des cas des moments de viols dissimulés et normalisés par la tradition et la famille.

La mobilisation contre le viol de l’étudiante doit être étendue aux femmes et filles violées dans l’ombre de nos traditions où la femme est parfois contrainte d’épouser un homme qu’elle n’aime pas. Ou encore ces femmes violées et abusées au vu et au su de tous pendant toute une vie par leur maître au nom d’une tradition esclavagiste.

Celles-là n’ont pas accès à internet, elles ont peur, elles n’ont pas le droit de crier, de pleurer. Elles sont réduites en un objet sexuel pour le maître.

Pour ces malheureusement point de condamnations, comme s’il y avait une arithmétique du viol ; un classement. Or, tous les viols, tous les abus sexuels méritent notre indignation et sont tous des crimes peu importe la forme, la manière, les auteurs et les victimes …

La mobilisation autour du viol de l’étudiante et les condamnations en boucle relèvent plus de la peur, de la psychose d’une société qu’une volonté réelle de s’attaquer au viol des femmes dans ses multiples manifestations.

En effet, dans le cas d’espèce, les violeurs de l’étudiante font partie de ces prédateurs sexuels qui ne choisissent pas leurs victimes : n’importe quelle femme peut être leurs victimes (pauvres ou riches, belles ou moches, puissants ou faibles noire ou blanche, maitre ou esclave). C’est bien la peur d’être la prochaine victime qui a mis les gens dans la rue.

Combattre le viol, c’est condamner toutes les formes de violences sexuelles, d’abus sexuels ainsi que toutes les pratiques sociales qui encouragent ces agissements ; même sous couvert d’une tradition.

Seyré SIDIBE

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