Sélibabi : Un Enfant en Détresse et les Défaillances d’un Système

Sélibabi : Un Enfant en Détresse et les Défaillances d’un Système

Ce samedi 18 mai 2024, aux environs de 21h, à Sélibabi, j’ai été témoin d’une scène poignante révélant les défis sociaux et institutionnels de notre société. Alors que je me trouvais assis devant chez moi, j’ai vu passer un groupe d’une vingtaine de talibés (élèves d’écoles coraniques) traînant en pleurs un enfant d’environ 5 à 6 ans. Intrigué, je me suis approché pour comprendre la situation.
Les talibés m’ont expliqué que l’enfant était un talibé qui avait fui son maître coranique, ou « tcherno ». À ma question de savoir s’ils avaient le même maître, ils ont répondu non. Aucun d’eux ne connaissait le maître de l’enfant, mais ils savaient qu’il passait ses nuits devant l’hôpital depuis deux jours, ce qui les avait amenés à conclure qu’il avait probablement fui son maître.
Déterminé à aider ce petit garçon, j’ai demandé aux talibés de transmettre à leur maître ou à toute autre personne concernée que l’enfant serait au commissariat de police. Après lui avoir donné à manger et à boire, je l’ai conduit au commissariat.
À mon arrivée au commissariat, l’agent de garde a écouté attentivement mon récit avant de contacter son commissaire pour obtenir des instructions. Sur ordre du commissaire, l’agent m’a demandé de ramener l’enfant chez moi pour la nuit et de le ramener le lendemain matin. J’ai fermement refusé, soulignant qu’en tant que citoyen ordinaire, je n’avais pas le droit de prendre un enfant mineur chez moi sans l’autorisation de ses parents.
Devant cette impasse, j’ai contacté la Directrice Régionale des Affaires Sociales, de l’Enfance et de la Famille (DRASEF), en espérant qu’elle puisse trouver une solution. Elle m’a informé qu’elle n’était pas à Sélibabi, mais qu’elle chercherait une solution rapidement. Quelques minutes plus tard, elle m’a rappelé pour m’annoncer que les associations locales contactées ne prenaient pas en charge les enfants mineurs. Elle a ajouté qu’elle aurait hébergé l’enfant personnellement si elle avait été sur place, mais malheureusement, elle se trouvait en dehors de la ville.
Déçu, j’ai informé la police que j’avais accompli mon devoir de citoyen et que la responsabilité de l’enfant leur revenait désormais. À ma grande surprise, l’agent de police m’a répondu que j’avais deux options : soit je prenais l’enfant chez moi, soit je passais la nuit avec lui au commissariat. Aucune autre alternative ne m’était proposée. Inutile de vous dire à quel point j’ai été sidéré par cette réponse.
Ne trouvant pas d’autre solution, j’ai décidé d’appeler le maire de Sélibabi, M. Ama Ba. Après lui avoir expliqué toute l’histoire, il m’a remercié pour mes efforts. Bien qu’il se trouvât en dehors de Sélibabi, il m’a demandé d’amener l’enfant chez lui. Il s’est engagé à prendre en charge le garçon et à s’occuper de la situation.

Leçons à tirer de cette histoire :

  1. Responsabilité et Système de Protection de l’Enfance : Comment la police peut-elle demander à un citoyen ordinaire de prendre chez lui un enfant mineur sans connaître les antécédents de cette personne ? Cela soulève des questions sérieuses sur la protection des enfants et la responsabilité des autorités.
  2. Absence de Services Sociaux : Comment est-il possible qu’une ville comme Sélibabi ne dispose d’aucun service dédié à l’accueil et à la protection des enfants en détresse ? Cela révèle une lacune critique dans le système de protection sociale de notre communauté.
  3. Le manque de formation de la police est préoccupant : que serait-il advenu de cette situation si le maire n’avait pas pris l’initiative de prendre l’enfant en charge ? La police m’aurait-elle forcé à passer la nuit au poste ? Les récents événements impliquant notre police me laissent penser que cela aurait été possible.
  4. Leadership et Responsabilité Civique : La commune de Sélibabi a manifestement élu un maire exemplaire. M. Ama Ba a démontré un sens aigu des responsabilités en intervenant personnellement pour résoudre cette situation. Sa réaction montre l’importance d’avoir des leaders qui se soucient réellement de leurs concitoyens.

Je termine ce récit par un rappel : l’humanité d’un peuple se mesure à la manière dont il s’occupe des plus démunis. Il est impératif de renforcer nos systèmes de protection sociale pour assurer la sécurité et le bien-être de tous, en particulier des enfants vulnérables.

Djibery DOUKOURE

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