Projets de développement : causes d’achoppement et de contre-performance

Projets de développement : causes d’achoppement et de contre-performance

La déclaration du président de la République relative aux faibles performances des services publics , puis celle du Ministre de l’Intérieur et de la décentralisation devant le Parlement s’agissant de la contre-performance des services publics et des administrations locales, sont une reconnaissance implicite des déséquilibres fondamentaux qui entravent la mise en œuvre du programme de Son Excellence le Président de la République, M. Mohamed Ould Cheikh El-Ghazwani, « TAAHOUDATI ».

Après ces déclarations courageuses, le Ministre de l’économie et des secteurs productifs, M. Kane Ousmane a aussi longuement reconnu les faibles performances de la plupart des projets de développement et pire encore l’existence d’une enveloppe d’un portefeuille de projets de 1400 milliards MRO attendent d’être injectés dans l’économie Mauritanienne, a davantage mis en exergue les gros défis qui  doivent être relevés par les autorités publiques et en particulier par son département qui a la lourde responsabilité de mobiliser les financements et de convaincre les partenaires au développement.

Nous sommes heureux de saisir cette occasion pour faire la lumière sur les questions techniques qui nous permettent de comprendre la situation actuelle des projets, ainsi que de comprendre les raisons du trébuchement dont a parlé Son Excellence le Ministre

Définition du projet de développement

Le projet de développement est une variété d’activités qui permettent l’atteinte de certains objectifs et résultats qui améliorent les conditions de vie et contribuent à résoudre les problèmes des populations dans un domaine donné et sur un territoire précis. Le projet est souvent le résultat d’une étude diagnostique qui permet de connaître les problèmes posés, de déterminer les objectifs et les mécanismes de mise en œuvre ainsi que de déterminer le coût financier, les ressources humaines, la durée, ainsi que les bénéficiaires directs et indirects. Il est impératif que toutes ces questions guident les responsables du projet durant toute la période de mise en œuvre.

Les responsables du projet doivent y adhérer et veiller à sa mise en œuvre, en tenant compte des normes de qualité et en respectant la méthodologie qui a été élaborée lors de la préparation de l’étude de projet.

Dans ce contexte, l’aspect de suivi et d’évaluation continue est considéré comme un facteur clé de la réussite du projet, à condition que cette évaluation soit sans favoritisme et bénéficie des moyens et de l’indépendance nécessaires. En raison de la difficulté de ces conditions, leS bailleurs recourent souvent à l’envoi de missions d’évaluation locales pour s’assurer de l’efficacité de la mise en œuvre des activités.

  * Conditions d’obtention de financement

Afin d’obtenir un financement, une étude technique est préparée permettant de diagnostiquer les conditions économiques et sociales de la zone bénéficiaire, les objectifs et les résultats attendus du projet. Les principaux critères retenus sont résumés dans le concept de SMART, nous en retenons les principaux :

  • Alignement sur les stratégies nationales et locales ;
  • Faisabilité économique et sociale ;
  • Équilibre entre budget et activités (efficience)
  • Durabilité ;

La qualité des projets mis en œuvre et leur répartition géographique

La Mauritanie a bénéficié et bénéficie encore de financements importants pour divers projets de développement portant sur divers domaines : Agriculture – élevage ; mines et industrie, énergie, hydraulique, santé – éducation – environnement – droits humains – jeunesse et culture – genre et droits des femmes – etc.

En général, les financements s’articulent autour de la lutte contre le changement climatique, la lutte contre la pauvreté et la vulnérabilité, en particulier dans les zones rurales et au profit des groupes vulnérables.

Il convient de noter que la répartition géographique des projets montre une grande disparité entre les régions en ce qui concerne le nombre de projets mis en œuvre, car il est à noter que la plupart des projets, c’est-à-dire des fonds, sont concentrés dans les régions à forte densité humaine et avec potentiel agricole ou pastoral, ( vallée, deux Hodhs, Assaba ) tandis que les wilaya du  Tagant, de l’, Adrar, de et Dakhlet Nouadhibou, de l’Inchiri et dans une moiNdre mesure du trarza  sont plus ou moins laissés pour compte au moins en termes de projets financés par les partenaires au développement.

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* Sources de financement

 Grâce à sa situation géographique et à sa crédibilité politique, la Mauritanie bénéficie d’un partenariat multilatéral et d’un partenariat entre pays. Elle bénéficie également de plusieurs partenaires, dont la Banque mondiale, le Fonds des Nations unies, le Programme alimentaire mondial, l’Union européenne, la France, l’Allemagne, la Coopération japonaise et Espagnole, etc. Le financement des pays du Golfe n’est pas négligeable même s’il prend des formes et des mécanismes peu connus.  et jouissant de moins de e soutien arabe se forme à travers les pays


Les pays et les fonds arabes apportent un soutien important et varié, mais il ne bénéficie pas d’une couverture médiatique appropriée, à un moment où la Banque mondiale et l’Union européenne, par exemple, bénéficient généralement d’une large couverture médiatique.

Hébergement des projets

Même si la plupart des projets sont mis en œuvre par des unités de coordination avec autonomie administrative et financière sous tutelle du ministère sectoriel, d’autres projets sont mis en œuvre et exécutés directement par le cabinet du Ministre sous la responsabilité d’un conseiller technique ou d’un secrétaire général.

Il existe un deuxième type de projets mis en œuvre par le biais d’organisations de la société civile nationales et internationales, qui sont très nombreux et variés, et mobilisent des sommes d’argent importantes. Cependant, ces projets sont soumis à un suivi régulier de la part du bailleur de fonds généralement plus exigeant par rapport à ceux exécutés dans le cadre des départements sectoriels.

* Mécanismes de mise en œuvre et de gestion

La plupart des projets de développement sont mis en œuvre à travers des cellules d’exécution (UCP) composées d’un chef de projet et de techniciens dont le nombre varie selon le type de projet et les financements disponibles. Certains projets ont une unité régionale, mais la gestion reste centralisée par l’unité centrale.

* Quelques facteurs de contreperformances des projets

Tout en reconnaissant que nous ne disposons pas de toutes les données objectives que ce que nous disons ne s’applique pas forcément à tous les projets, nous pouvons partir de notre propre expérience (15 ans de service dans des projets de développement) pour identifier les problèmes et les raisons des faibles performances évoquées par son Excellence le Ministre de l’économie et des secteurs productifs. :

– Dans la plupart des cas, les coordinateurs de projets sont de bons cadres mais le processus de sélection est souvent entaché par l’interventionnisme des personnes influentes ce qui contribue à réduire la marge de manœuvre de celui- ci face à ceux qui ont été pour beaucoup à l’origine de sa nomination au poste. Ici, je partage l’avis de l’article intitulé : « La présence de soi et l’absence d’institutions ». Il est regrettable que cette subordination en soit affectée et conduite par des cadres dotés de bonnes compétences et d’une longue expérience.

– En Mauritanie, nous avons faiblement développé la culture de la redevabilité et du « rendre compte » tant est si bien que les informations sur le projet ne sont connues que du premier responsable et des personnes qui lui très proches « cercle de confiance » ;

– Dans la plupart des projets, le système de suivi-évaluation est peu performant, voire marginalisé avec souvent l’obligation pour le responsable de produire des informations conformes au bon vouloir du coordinateur « quitte à arranger les angles des données terrain » ;

– La complexité des procédures des bailleurs de fonds joue un rôle majeur dans la lenteur de la mise en œuvre. Pour certains projets, la qualité des données produites peut contribuer à la lenteur   des décaissements ;

– Malgré l’existence d’études techniques, de cadres compétents et d’une population et de territoire qui sont dans le besoin, certains projets ont de faibles capacités d’absorption des fonds alloués ;

La majorité des projets se concentrent sur des études, des formations et des forums qui drainent l’essentiel des financements, avec l’absence de réalisations tangibles qui assurent la durabilité et les impacts attendus ;

– Absence totale du principe de récompense et de responsabilité, même par le bailleur de fonds

– Faible coordination entre les projets intervenant dans une même aire géographique malgré l’existence de similitude en termes de bénéficiaires, de problèmes posés et de résultats attendus ;

– Faible performance des comités régionaux chargés de l’orientation et du suivi des projets, car ces comités manquent de ressources financières et parfois de compétences techniques pour assurer le suivi de projets dont les grandes lignes sont tracées au départ ;

– Certains projets ont adopté une approche participative mettant en place des comités régionaux de concertation présidés par le Wali mais le cahier de charge de cette instance ne comporte pas les aspects de suivi et de reporting en plus elle manque de moyens et de capacités techniques ;

– Nous constatons avec amertume que la plupart, sinon la totalité, des projets mis en œuvre par les organisations nationales et internationales, notamment, ne sont pas suffisamment objet de suivi et de reporting de la part des autorités locales qui se contentent au mieux d’être informées sur le déroulement des activités ;

* Propositions pour une amélioration des performances des projets

Partant des différents constats et de notre propre expérience, nous présentons à votre appréciation les propositions ci-après pour une contribution à l’amélioration des performances de nos projets de développement :

* Revoir les outils et critères de sélection des coordinateurs de projets avec obligation de résultats sur la base d’une fiche d’évaluation tous les six mois

* Accorder une plus grande importance au suivi – évaluation en lui assurant une plus grande autonomie par rapport au coordinateur du projet ;

* Préparer des rapports sur l’état d’avancement des activités tous les six mois et organiser un forum pour les présenter aux autorités locales, nationales et aux   bailleurs financiers. Je pense que ce qui a été émis par le ministère concernant la préparation des rapports (rapport mensuel) n’est pas suffisant pour rendre compte des activités d’autant plus que celles-ci sont très liées au décaissement du bailleur de fonds ;

– Donner un rôle accru aux autorités locales (Walis, Hakems, Maires)  et aux comités régionaux afin de suivre les projets à travers la mise en place des moyens nécessaires pour cela ;

 * Intégration effective des projets mis en œuvre par les organisations nationales et internationales de la société civile dans la sphère des projets Sectoriels nationaux ;

Établir la transparence et l’objectivité dans la préparation des rapports techniques et financiers

* Activation des comités techniques régionaux et provinciaux pour le suivi des projets de développement ;

* Mettre en place au niveau régional des mécanismes opérationnels et consensuels pour garantir la coordination et la complémentarité entre les intervenants sur une aire géographique ;

J’avoue que l’article ne pourra pas entrer dans les détails, mais le but était de participer à la discussion et de partager certains aspects de mon expérience personnelle.

Mohamed Lemine ABDE

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