Initiatives news: « À 14 ans, mon oncle m’a présenté un homme de 30 ans, établi à Nouadhibou, comme potentiel époux. Je rêvais de sortir de la pauvreté. J’ai donc accepté le mariage avec enthousiasme. J’ai eu l’approbation de ma grand-mère et de mes parents ». Ainsi commence l’histoire de Marieme Ba, une jeune Mauritanienne confrontée à la réalité du mariage précoce.
En Mauritanie, 37 % des filles sont mariées avant l’âge de 18 ans selon l’UNFPA en 2019. Ces chiffres ont conduit 200 imams à s’engager dans la lutte contre cette pratique, dans le cadre du projet SWEDD en collaboration avec le FUNUAP.
Marieme Ba n’a pas fréquenté l’école à cause de l’absence de papiers d’état civil et de la séparation de ses parents quand elle avait 4 ans. Elle a été élevée par sa grand-mère. Sa vie a pris un tournant dès l’âge de 8 ans lorsqu’elle a commencé à travailler comme nounou au sein d’une famille au quartier Tevragh Zeina à Nouakchott. À 12 ans, elle est devenue ménagère tout en s’occupant des enfants de son employeur pour contribuer financièrement et soutenir sa grand-mère, jusqu’au jour où elle décida de se marier avec l’homme que lui avait proposé sa grand-mère.
Les causes du mariage précoce en Mauritanie sont multiples. « La plupart des jeunes filles qui se marient tôt le font pour échapper à la pauvreté », explique Hawa Ba, présidente fondatrice de l’association pour la promotion de la santé des jeunes. « Pour certaines familles, marier leur fille permet de recevoir une dot, tandis que pour d’autres, cela évite des comportements considérés comme honteux. »
Marieme Ba, elle, souligne : « Avant mon mariage, ma grand-mère a posé une condition cruciale à mon mari : utiliser une méthode contraceptive pour éviter une grossesse avant l’âge de 18 ans. » Le mari accepta, mais une semaine après le mariage, ils décidèrent d’abandonner cette méthode.
Les conséquences sanitaires et sociétales de ces mariages sont désastreuses. « Lorsque j’ai accouché par césarienne en 2022 à l’âge de 15 ans, j’ai eu quelques complications », confie Marieme. Les complications lors de l’accouchement sont fréquentes chez les jeunes mariées. « Cela peut entraîner des hémorragies, des infections, voire la mortalité maternelle », souligne Hawa Ba.
La grand-mère de Marieme, cependant, défend le mariage précoce en se basant sur son expérience personnelle. « À mon époque, je me suis mariée à l’âge de 12 ans et je n’ai jamais eu de complications. J’ai eu 8 enfants. »
La législation mauritanienne, bien que stipulant que le mariage doit se faire après 18 ans, laisse une marge d’interprétation avec l’expression « sauf pour l’incapable ». « Cette nuance permet aux tuteurs de marier leurs filles sous prétexte d’incapacité sans critères clairs », explique Baye Tijane Diagana, sociologue et spécialiste en genre. « Cela donne une liberté d’interprétation aux juges, ce qui maintient la pratique du mariage précoce. »
Pour lutter contre ce phénomène, plusieurs initiatives voient le jour. « Nous travaillons sur la sensibilisation et l’orientation des jeunes filles pour qu’elles puissent continuer leurs études », explique Hawa Ba. Les imams, tel que Telmidy, un imam mauritanien parmi les 200 imams qui travaillent avec le FUNUAP dans la lutte contre le mariage précoce et les questions de droit de la femme et des filles, soulignent que « le Coran montre qu’un père doit éduquer et protéger ses filles jusqu’à ce qu’elles aient 18 ans ».
L’UNFPA et ses partenaires, en collaboration avec les 200 imams relais communautaires, organisent des formations pour sensibiliser la population aux dangers du mariage d’enfants. « L’islam protège la dignité des hommes et des femmes », rappelle l’imam Hademine Saleck Ely imam à la mosquée centrale de Nouakchott.
Malgré les efforts de sensibilisation et de législation, le chemin reste long pour éradiquer le mariage précoce en Mauritanie. La société civile et les leaders religieux s’engagent dans cette lutte, espérant qu’un jour, toutes les filles pourront choisir librement leur avenir.
Amy Fofana