La question du troisième mandat constitue, aujourd’hui, l’une des menaces réelles pour les démocraties Africaines encore naissantes et balbutiantes. En tout cas, pour certains pays du continent, le troisième mandat est plus inquiétant et angoissant à la fois que le terrorisme djihadiste, une nébuleuse destructrice, meurtrière et déstabilisatrice.
Désormais dans de nombreux pays Africains, le sujet s’invite sur les plateaux de télévision et sur les réseaux sociaux. Intellectuels, juristes, constitutionnalistes, et même de simples populations lambda abordent l’épineuse question, objet de discorde nationale avec passion: un conflit intercommunautaire larvé se profile à l’horizon. Les acquis démocratiques et constitutionnels sont manifestement mis à des rudes épreuves.
Chacun y va et se trace une ligne de conduite politique selon ses intérêts et alliances du moment, entre défenseurs et opposants du troisième mandat. Une rallonge de trop pour certains alors que pour d’autres la loi fondamentale le permet et l’autorise.
Finalement, les juristes – avocats, professeurs universitaires et quelques rares journalistes – sont devenus les vedettes du moment, de véritables sophistes qui se livrent à une guérilla de vocabulaire, de sémantique sur fond d’interprétations parfois grotesques et empreintes du sceau des PRÉCIEUX pour impressionner ou étaler leur savoir.
Difficile de suivre ces » intellectuels » qui rivalisent de pédantisme en développant, pour certains des discours trop techniques et évasifs , du « savantisme » pour impressionner, peut-être le début d’un casting en vue d’être coopté au Conseil Constitutionnel ou à la CENI.
Cet « intellectualisme » à outrance dont ils font preuve ne règle point les préoccupations des citoyens et encore moins ne contribuant pas à la consolidation des valeurs constitutionnelles des Etats qui tentent d’aspirer au respect des principes républicains. La corruption reste endémique, la mauvaise gestion, le népotisme, le trafic d’influence, toutes pratiques qui sapent les fondements de l’Etat de droit et la démocratie.
On a l’impression qu’en Afrique la Constitution est un piège pour le peuple. D’autant plus qu’il n’y a pas accès. Elle est hermétique, codifiée et écrite dans une langue inaccessible, et objet de nombreuses interprétations suivant les circonstances et les tentations du maître.
La politique est cruelle .
C’est le moins qu’on puisse dire. On nous a expliqués tous, magistralement y compris celui-là même qui cherche à passer en force pour un troisième mandat que le président de la République a droit à un mandat renouvelable, une seule. Nous étions favorables à cette lecture, et y avions adhéré de manière consensuelle.
Brusquement, l’interprétation du texte fondamental, admise jusque-là n’est plus de mise alors que nous sommes toujours face au même texte, à la même syntaxe, les mêmes paragraphes, alinéas et articles, tous se transforment en outils de conspiration pour se désolidariser du peuple en participant traîtreusement à sa trahison par leurs nouvelles natures et identités polysémiques et alambiquées.
Le peuple est désemparé. Le malentendu s’installe. Chaque nouvelle lecture de la Constitution vient brouiller de plus et semer le doute sur les certitudes de la veille.
Cela s’appelle de la manipulation, de la fraude, de l’escroquerie, du tripatouillage !
J’en veux beaucoup aux rédacteurs de nos Constitutions. Pourquoi un texte aussi fondamental et censé être public est rédigé dans un style ambigu et source de plusieurs interprétations ?
Un texte de cette envergure doit être écrit dans une langue qui ne prête pas à équivoque ; et susceptible d’être comprise de tous.
En effet, la Constitution appartient d’abord au peuple avant d’être » la chose » des politiques et des juristes ; le peuple étant logiquement le commanditaire, à mon sens de ce document référentiel dans la vie de la République. C’est le chapeau d’un État de droit .
Dès lors, il ne doit pas être inaccessible au peuple qui est normalement, la cible.
Nos Constitutions sont devenues des œuvres d’arts soumises à plusieurs interprétations où chaque vocable est polysémique, extensible comme dans une fiction romanesque.
Est-ce cela la vocation du langage juridique ou de l’interprétation stricte de la loi ?
En tout état de cause, nos Constitutions Africaines suscitent beaucoup de controverses, beaucoup de suspens, d’incompréhensions et des interprétations laconiques .
Puisque nous sommes en Afrique, faut-il recourir à la sorcellerie et à l’ésotérisme pour pénétrer l’âme des Constitutions ? Ce qui suppose être initié, or le peuple est encore profane.
Dans des rares cas, on a eu recours aux services d’un sorcier Blanc pour départager tenants et réfractaires au troisième mandat. Pure supercherie !
C’est pour endormir davantage le peuple sur la base d’interprétation commandée et commanditée par des soi-disant experts étrangers dont la neutralité et la probité morale sont sulfureuses.
Le troisième mandat, osons le traduire devant l’Assemblée du peuple souverain. Ça n’arrive pas qu’aux autres ! Hier, c’était le voisin de mon voisin qui en souffrait, aujourd’hui, c’est mon voisin immédiat qui est la victime.
Et demain … ?
Seyré SIDIBÉ