Du cannibalisme économique : l’Etat mauritanien mange-t-il ses enfants ?

Du cannibalisme économique : l’Etat mauritanien mange-t-il ses enfants ?

Cridem : Chaque enfant mauritanien en gestation, qui nait, ou qui naitra est déjà héréditairement surendetté, économiquement esclave, financièrement débiteur, matériellement appauvri, humainement insignifiant et socialement misérable. Du cannibalisme économique : l’Etat mauritanien mange-t-il ses enfants ?

Qu’est-ce que la vie, sinon la capacité pour l’être de bénéficier de toutes les conditions nécessaires à son existence. Et la première de ces conditions est de pouvoir subvenir à ses besoins économiques vitaux assurant ainsi sa subsistance. Du cannibalisme économique : l’Etat mauritanien mange-t-il ses enfants ?

Lorsque ces conditions sont confisquées par avance alors l’être vient au monde, mort-né. C’est ainsi que tout être dont les conditions de vie sont hypothéquées et les perspectives de survie sont gagées est une créature consumée et consommée avant d’exister.

La confiscation, la dilapidation, le gaspillage des ressources publiques conduisant à hypothéquer et gager l’existence même des générations futures, par le surendettement, la mise sous séquestre des biens publics, la spoliation et le bradage des ressources naturelles et sans conteste une forme de dévoration de la chair humaine, conduisant à tuer toute perspective de vie ou de survie. Une forme de cannibalisme, à visage économique.

Chaque enfant mauritanien en gestation, qui nait, ou qui naitra est déjà héréditairement surendetté, économiquement esclave, financièrement débiteur, matériellement appauvri, humainement insignifiant et socialement misérable.

Chaque Mauritanien, hier déjà bien pauvre, sera plus misérable demain, bien plus qu’aujourd’hui et encore plus qu’hier …. Rosemonde de l’indigence, le Mauritanien, naitra, vivra et mourra pauvre. C’est ainsi qu’en a décidé l’Etat mauritanien dans son inconséquente stratégie du (sous) développement, par le surendettement obligé, non consenti, unilatéralement décidé et géré de la plus calamiteuse des manières.

Avec un surendettement total élevé la Mauritanie s’est largement appauvrie. Aujourd’hui, elle s’appauvrit de plus en plus. En 2022, pour ne retenir que cette année charnière, le ratio du service de la dette sur recettes budgétaires est alarmant (26,2% en 2022). La dette publique dépasse les 70% du PIB non extractif.

L’endettement du pays est de l’ordre de 5 milliards USD. Soit plus de 70% du PIB du pays, estimé à 7,448 milliards USD. Et avec un service de la dette de plus de 200 millions USD.

En effet, la Mauritanie, ne sera certainement plus un pays viable dans une perspective maximum d’une cinquantaine d’années sinon bien avant. En voici les raisons principales :

– Dans une perspective d’une cinquante d’années les ressources naturelles actuellement exploitées (Fer, Gaz, Pétrole et pêche) seront épuisées sinon réduite de façon draconienne. Or on sait que le revenu national du pays provient à 90 % de l’exploitation de ses ressources naturelles.

– Le pays est soumis à une désertification galopante, une déforestation et une réduction catastrophique de son espace arable. L’agriculture et l’élevage étant le pilier d’une économie locale de subsistance, fragile, ne sera plus que l’image d’elle-même dans les cinquante prochaines années.

– Les villes côtières, saturées par un exode rural d’une population démultipliée , sont soumises au danger des inondations maritimes du fait du réchauffement climatique et de la pollution en perpétuelle croissance.

A l’orée de l’année 2070 et poussières, la Mauritanie, aura épuisé ses ressources naturelles et son revenu national aura par là même disparu. Elle se trouvera en face d’une économie inexistante qui alimente ses circuits de biens et services importés qu’elle ne peut plus se permettre d’acquérir. Et ce sera le déclin d’un pays, comme tous ceux qui à travers l’histoire ont vécu dangereusement, dans la violence qu’ils se sont faits à aux mêmes ou qui ont sombré dans le vice.

Si dans cinquante ans la Mauritanie disparaît c’est simplement qu’elle n’aura pas préparé les moyens de son développement futur.

En effet, si l’on regarde actuellement les chiffres de performances de l’économie mauritanienne, on se rend compte, qu’elles sont totalement erronées (n’en déplaise aux décideurs publics qui ont fait de la COVID-19 un bouc-émissaire de leur mauvaise gestion, au FMI et à la BIRD). Et voici pourquoi :

– Une Croissance du sous-développement. La croissance affichée par les pouvoirs publics est fausse car elle ne correspond pas une croissance réelle engendrée par la valeur ajoutée des unités et des agents économiques à l’économie nationale. La croissance dont il s’agit est calculée sur la base de la rente nationale, issue justement des revenus des ressources naturelles. Le Produit intérieur brut, ne reflète pas les réalités de l’activité économique mais la croissance d’une rente nationale .

Ainsi si la vraie croissance économique traduit la variation quantitative, durable, auto-entretenue et non réversible de la production de biens et services, la fausse croissance en Mauritanie traduit la variation quantitative non durable, auto-entretenue et réversible d’un revenu national (d’une rente pétrolière et autre) au profit d’une minorité qui a depuis longtemps (et depuis toujours) planifié son détournement au détriment du développement. La vraie croissance repose sur la fonction de production et non pas d’accumulation de revenu national (issu de la rente).

La « croissance » en Mauritanie est trompeuse, c’est celle d’un « revenu national » (de surcroit non distribué) et non pas la vraie croissance, celle de la somme des valeurs ajoutées des unités économiques du pays et qui s’exprimeraient par des variations du Produit Intérieur Brut (PIB) réel (corrigé de l’inflation) ou nominal (exprimant la valeur marchande des biens et des services produits par un pays.).

Cette fonction de production repose sur l’utilisation des facteurs de production, travail et capital. La croissance dépend donc des quantités de facteurs de production disponibles et de la manière dont ils sont utilisés.

Le facteur travail : la croissance est possible grâce à une augmentation de la quantité de travail disponible ou par une augmentation de la qualité du facteur travail utilisé. Le facteur capital : la croissance se traduit par des Investissements qui viennent accroitre ou améliorer le stock de capital technique disponible ce qui permet une augmentation des quantités de biens et services produites.

Et enfin, le progrès technique : qui accroit la productivité des facteurs de production utilisés. Près de la moitié de la croissance économique serait le fait de ce progrès technique. Alors au vu de l’absence de ce qui précède (le travail, le capital, la technique), la croissance en Mauritanie est une croissance du sous-développement assise sur « une rente nationale », non distribuée, accaparée par une minorité ; s’inscrivant dans un triangle de gouvernance vicieuse militaro-tribalo-mercantile.

La majorité de la population mauritanienne souffre de misère et l’infrastructure publique est un champ délabré au milieu des détritus qui couvrent les rues et les avenues. Nos rues sont peuplées d’enfants et de vieillards mendiants; nos hôpitaux sont des cimetières à ciel ouvert, notre parc automobile national est un ramassis de carcasses rouillées qui sentent la mort à plein nez… Les hôpitaux tout-autant que les routes sont des mouroirs. Les services domestiques les plus élémentaires (eau et électricité) sont absents et des populations entière se meurent de soif et de malnutrition.

– Le commerce mauritanien est un commerce tout orienté vers l’enrichissement personnel de quelques commerçants qui exportent leurs bénéfices et n’investissent pas dans le pays. C’est un commerce créateur de consommation, d’appauvrissement des citoyens et d’exportation de ses bénéfices.

– La technologie nationale n’existe pas. La Mauritanie ne possède ni des laboratoires de recherche, ni un savoir-faire technologique exporté, elle vît entièrement de la dépendance technologique tant pour les biens que pour les services. Vue de l’extérieur, la Mauritanie n’a aucune industrie qui exporte un produit national compétitif et générateur d’emploi et de revenus. Nous ne produisons rien commercialement ou technologiquement qui vaille la peine d’être exporté.

– L’inexistence d’un tissu industriel pouvant supporter la demande nationale , conquérir des marchés extérieurs et créer l’emploi. De ce point de vue la Mauritanie est complètement démunie et dépendante des industries étrangères à travers l’importation de leurs produits manufacturés.

Le cannibalisme économique fera donc que la Mauritanie se retrouvera dans les prochaines années avec une rente, provenant de ressources naturelles, totalement épuisée et elle n’aura pas développé des revenus permettant de prendre la relève et donner une chance de survie aux génération futures :

– Pas de technologie exportable, pas de label, pas de marque industrielle ou commerciale conquérant les marchés internationaux.

– Pas d’industrie du savoir-faire performante couvrant les besoins des secteurs économiques du pays.

– Pas de sociétés commerciales compétitives à l’échelle nationale et internationale pourvoyeuses de fonds pour le pays.

– Pas de ressources humaines hautement qualifiées développant dans des laboratoires de recherches les produits de pointe, garantie de perpétuité d’une maîtrise technologique sous-tendant une économie forte.

– Pas de jeunesse .Une saignée hémorragique de la jeunesse, force de développement et d’avenir du pays , qui s’est exilée et qui a, déjà depuis longtemps ; « sauté » les murs et les frontières d’autres nations pour trouver pitance.

– Pas de conscience civile Une société prise dans les discours de ses marabouts à œillères, maintenant une société bigote et fataliste toute tournée vers la souffrance, et la résignation à l’injustice et à son misérable sort. Arrangeant ainsi les gouvernants dans l’exécution en toute quiétude de leurs basses-œuvres.

– Pas de citoyenneté. Les régimes successifs ont détruit l’Etat au profit des tribus. Il n’est plus qu’un ramassis d’individus s’identifiant à l’on ne sait plus qu’elle lignée tribale et qui pille au nom de sa personne et de son cousinage avec la bénédiction de sa tribu.

Hélas ce cannibalisme, aboutit à un pays exsangue, au sommet duquel se battent des politiciens qui pensent que demain leur appartient. Mais ce qu’ils ne savent pas, c’est que la Mauritanie, demain, à cause d’eux, risque d’être pire qu’aujourd’hui. Un désert stérile, vidé de ses enfants dévorés par un Etat cannibalisé par un siècle d’indigence.

Depuis Hobbes, l’Etat serait un Léviathan.

Monstre destructeur ou puissance protectrice, peu nous importe la philosophie de Hobbes, sinon que force est de constater que transposé dans la sphère économique mauritanienne, ce monstre mange inexorablement ses enfants. Kronos encore.

Pr ELY Mustapha

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