D’habitude très réservé et peu impliqué dans les querelles de chapelle qui secouent à intervalles réguliers le microcosme politique, le premier ministre Mohamed Ould Bilal est monté au créneau à Aleg en proférant des menaces à peine voilées contre les candidats mécontents issus du parti au pouvoir et s’étant présentés sous la bannière d’autres partis de la majorité présidentielle.
Le message du premier ministre a été mal accueilli dans les milieux des partis de la majorité et a suscité un véritable tollé sur les réseaux sociaux.
Dans un langage fort peu diplomatique Ould Lematt, chargé de mission à la Présidence de la République a lancé devant des responsables de partis d la majorité à Nouadhibou le message dont la teneur est la suivante : il n’y a pas de majorité à l’heure actuelle, la majorité c’est le parti au pouvoir, le parti INSAF, « le parti du président de la République », à prendre ou à laisser.
A son tour, le porte parole du gouvernement Nani Ould Chrougha est encore allé plus loin en déclarant à partir de son fief à Amourj : « Nous allons surveiller les bureaux de vote et sanctionner ou encourager ceux qui ont voté contre ou pour le parti. »
A Guérou où les choix du parti ont été désavoués à une grande échelle, le ministre de la santé Mohtar Ould Dahi fait face à une forte guérilla menée par des candidats anti-INSAF.
Déjà à la veille du lancement de la campagne électorale Mohtar Ould Diaye coordinateur du parti INSAF au niveau de la ville de Nouakchott avait annoncé les couleurs et jeté un pavé dans la mare en déclarant que seul le parti-Etat est soucieux de l’intérêt du président de la République, ignorant ainsi crânement tous les autres partis de la majorité.
Ces discours va-t-en-guerre et autres menaces en filigrane brandis par les barons du parti au pouvoir dont des membres du gouvernement et de la haute administration font beaucoup de mécontents.
La jacquerie organisée par des partisans de l’ex président Aziz à l’occasion d’un meeting de l’INSAF à Tevrak Zeina, dans la zone du stade olympique, en présence de plusieurs ministres est révélatrice de ce point de vue. Les organisateurs dudit meeting ont été pris de cours.
Ainsi, la secousse tellurique qui secoue le parti a pouvoir plonge ses racines dans les choix jugés hasardeux de la plupart des candidatures au niveau des différentes circonscriptions du pays.
Les manœuvres du gouvernement visant à imposer le choix du parti unique aux différents acteurs de la majorité est un précédent anti-démocratique, d’autant plus dangereux qu’il risque de saper la fragile union sacrée qui a permis jusque-là au président Ghazouani de profiter d’une stabilité politique confortable.
Et c’est ce mur de confiance que le premier ministre et les membres de son gouvernement s’emploient à démolir en lançant cette opération kamikaze qui risque de se retourner contre eux et contre le président de la République.
Cette opération de sabotage grandeur nature pourrait s’expliquer par la lutte féroce entre branches rivales au sein du pouvoir devenu un fourre-tout et au sein duquel cohabitent les ex barrons qui faisaient main basse jusque-là sur tous les leviers de commande et les nouveaux venus dont beaucoup de jeunes loups venant de l’opposition et qui commencent à avoir leur part du gâteau.
Et le grand perdant dans tout ça c’est le président de la République qui est pris en étau entre deux feux, une situation délicate qui risque de se solder par un désastre électoral pour un parti au pouvoir qui a apparemment perdu la boussole.
Bakari Gueye