Le Calame – Les Mauritaniens iront aux urnes au cours du premier semestre de l’année prochaine afin d’élire ou réélire leur président pour les cinq prochaines années, incha Allah. La date officielle sera fixée par la Commission électorale nationale indépendante, après convocation du collège électoral.
En attendant, les acteurs politiques ont entamé la phase d’échauffement. Le principal parti de la majorité présidentielle et les partis qui soutiennent le président Ghazwani sont déjà en ordre de bataille.
Lors d’une récente réunion de son bureau exécutif, l’INSAF a demandé au président de la République de solliciter un second quinquennat, pour le voir, disent-ils, « poursuivre ses chantiers et réalisations ». Leur programme de campagne est donc tout tracé : valoriser les réalisations des Taahoudaty, le référentiel politique du pays depuis quatre ans.
D’une certaine façon, le président Ghazwani a devancé tout le monde en exposant celles-ci lors de l’interview accordée à la presse nationale, il y a déjà quelques semaines. Dans cet entretien, il évaluait, non sans satisfecit, les acquis de son quinquennat, sans omettre de rappeler la situation politique et économique difficile dont il avait hérité en 2019 et dont tous les indicateurs sont, selon lui, aujourd’hui tous passés au vert.
Le Raïs n’est de toute évidence pas disposé à lâcher le gouvernail et c’est en cette perspective qu’il se prépare à une « tournée économique », au début du mois de Décembre prochain. La fête du 28 Novembre devrait donc être le loisir d’inaugurer des chantiers et de poser la Première pierre d’autres.
Une occasion de faire bouger toute la Mauritanie…et de bloquer l’Administration ! Car les cadres, grands, petits et laudateurs de tout acabit déserteront leur poste pour accueillir le président de la République. Ne parlons pas des dépenses faramineuses que ces déplacements arrachent au budget de l’État. « M’as-tu vu », quand tu nous tiens !
Pour la prochaine présidentielle, l’INSAF n’aura visiblement aucune tâche difficile, hormis la question de l’indiscipline et de l’organisation, en gestation bien avant les dernières locales. Depuis quelques jours, on annonce d’ailleurs des « réaménagements » au sein de ses différentes instances.
Presqu’un détail dans l’euphorie consécutive à la publication par la Primature, le 2 Août 2023 à l’occasion du 4ème anniversaire de l‘investiture du Président, d’un bilan exhaustif et chiffré des réalisations de celui-ci.
Et l’INSAF peut aussi se vanter de la majorité écrasante, pour ne pas dire mécanique, qu’il a obtenue lors des dernières élections locales de Mai dernier, ne laissant aux autres partis – de l’opposition surtout – qu’à peine la portion congrue au Parlement, en conseils régionaux et en mairies.
Une victoire cependant contestée, il faut le signaler, aussi bien par les partis de l’opposition que plusieurs autres de la majorité.
INSAF brandira ce « plébiscite » qui a, semble-t-il, poussé l’un des membres du gouvernement – en l’occurrence, le porte-parole du gouvernement – à évoquer le« devoir de tous les Mauritaniens de réclamer un second mandat ». Une sorte de réponse aux propos du président de la République interrogé par les journalistes – celui du Figaro d’abord puis les nôtres mauritaniens – sur l’éventualité de sa candidature pour un second quinquennat, une hypothèse qu’il laissait, avait-il alors déclaré, aux bons soins de sa majorité et du peuple mauritanien.
INSAF et le gouvernement ne pouvaient que saisir la balle au bond pour enfoncer cette espèce de porte ouverte. Comme on le sait, notre Constitution permet deux mandats constitutifs et il est inimaginable que le président Ghazwani abandonne la Mauritanie en plein vol.
Une opposition en miettes
D’autant moins d’ailleurs qu’il ne semble y avoir aucun risque pour le pouvoir : l’opposition qui peinait à se relever de sa « défaite » électorale vient en effet de se diviser davantage. La signature du pacte républicain entre l’INSAF et deux partis de l’opposition traditionnelle, l’UFP et le RFD, peut ainsi paraître une victoire pour le gouvernement, même si ces deux dernières formations ont été laminées lors des dernières locales et ne sont plus représentées à l’Assemblée nationale.
Elles peinent à rallier les autres partis de l’opposition qui réaffirment, certes, leur disposition au dialogue mais estiment qu’il doit être chapeauté par l’Institution de l’opposition démocratique rassemblant les partis représentés à ladite Assemblée.
En fait, les tractations en cours depuis quelques semaines pour élargir le pacte à l’opposition tournent autour de la volonté de celle-ci à présenter un ou des candidats à la présidentielle. Autrement dit, à participer au débat démocratique. Y attirer les partis de l’opposition : Tawassoul, SAWAB, AJD/MR et FRUD ; voire ceux considérés comme radicaux ou extrémistes, RAG et FPC ; serait pour le pouvoir le signe concret de l’apaisement de l’arène politique dont il se vante et il en sortirait très renforcé.
À défaut de ce consensus, on ira vers une présidentielle sans saveur ni enjeu. Le candidat du pouvoir remportera alors une victoire à la Pyrrhus et l’ancrage de la démocratie mauritanienne ne s’en portera pas mieux.
Dalay Lam