La fonction présidentielle a été tellement banalisée sous nos tropiques, à l’image de nos institutions qui sont devenues pour l’essentiel des coquilles vides. Si bien que n’importe qui peut prétendre briguer la magistrature suprême. Nous sommes certes en démocratie, le jeu est en théorie ouvert mais il y a des critères qui doivent prévaloir pour le profil et le casting des candidats.
Il suffit d’observer la flopée des candidatures en Mauritanie pour en avoir le coeur net. Cette mauvaise pratique démocratique est largement en vogue sur le continent. Cette banalisation de la fonction suprême est loin d’être un signe de bonne santé démocratique. C’est plutôt, une espèce de désordre créée pour divertir et profiter de la stratégie bien connue : diviser pour mieux régner par une fraude souvent intelligemment et savamment orchestrée.
Cette pléthore de candidatures n’est qu’ une extravagance démocratique notamment lorsque vous comparez le nombre d’habitants du pays, au nombre d’éleveurs inscrits sur la liste électorale, nombre de partis politiques d’une part et le nombre de candidats en compétition pour la présidentielle, d’autre part. Résultat : cette configuration est incohérente, déséquilibrée disproportionnée et asymétrique.
Il s’agit d’un indicateur, parmi d’autres qui montrent que notre démocratie est mal en point ; des signes qui présagent d’une volonté de manipuler les résultats. Une manière de programmer la fraude surtout de la faire accepter dans les esprits.
En effet, cette déferlante de compétiteurs n’est pas forcément suivie par l’organe en charge de la préparation des élections. En d’autres notre CENI, qui n’est pas lavée de tout soupçon de fraude, d’incompétence et de manque d’indépendance – allégations et craintes exprimées par des politiques et la société civiles sur sa gestion des élections législatives, régionales et communales de mai 2023-, est-elle sérieusement préparée à une présidentielle avec autant de candidatures ?
Ce foisonnement de candidatures contribue sans doute à l’émiettement des voix et des votes. Ce qui peut fausser la vérité des urnes à travers l’augmentation exponentielle du taux de votes nuls notamment chez les électeurs analphabètes, soit la majorité des électeurs mauritanien.
Si la démocratie est le pouvoir de la majorité par les urnes, on est alors loin du compte.
La majorité sera alors lésée, et aura tout simplement manqué ce rendez-vous citoyen plus que déterminant.
Dans le contexte qui est le nôtre, cette avalanche de candidatures met au grand jour le talon d’Achille de notre démocratie, de la démocratie africaine le vote tribal, identitaire, racial etc.
Finalement, peu importe les projets des candidats. Or, pour vaincre les inégalités et pour ériger un État mauritanien juste pour tous, il faut choisir la candidature de celui dont le combat et les valeurs qu’il porte expriment les préoccupations existentielles des Mauritaniens, soit l’écrasante majorité.
Candidatures identitaires : les trouble-fêtes de la présidentielle
Comme l’affirme le dicton français : « Une hirondelle ne fait pas le printemps ».
Ce raz-de-marée de candidatures est une volonté de créer la discorde entre les citoyens, devant en principe défendre les mêmes intérêts afin qu’ils ne puissent pas s’entendre sur l’essentiel et accorder les violons.
C’est somme toute la crainte du pouvoir qui soutient et facilite la candidature des outsiders au détriment de véritables challengers .
Cette fibre identitaire semble marcher à tous les coups face à une opposition dont le trait de caractère le plus prononcé reste l’orgueil et le narcissisme.
Ces candidatures de la désunion font éclater l’élan patriotique des citoyens mus par le désir ardent de changement en faisant fi de pêchés de notre république : l’origine sociale, la race, la tribu, la langue et même la région.
Ce type de candidats entend affirmer par leur participation à la présidentielle, leur appartenance et celle des siens contestée en d’autres circonstances à la république, l’authenticité de leur nationalité.
Comme si le simple fait de participer à une élection présidentielle perdue d’avance était suffisant pour solder la question de la citoyenneté effective pour une partie des Mauritaniens.
Ce profil est celui d’une candidature de prestige, portée un opposant au régime obnubilé par le vote et l’électorat ethniques qui fait cavalier seul contre vents et marées. Ses rapports avec le pouvoir peuvent être distants ou douteux.
Candidatures satellites : les subordonnées du pouvoir
C’est une identité politique peu recommandable peu soucieuse de l’éthique devenue la caractéristique principale de certaines formations politiques pour freiner l’éclosion démocratique, une réalité de notre microcosme politique depuis plusieurs décennies.
Ces partis satellites sont une duplication, une duplicité du pouvoir pour jouer les infiltrés au sein de l’opposition.
En effet, le pouvoir a besoin de « l’information politique » pour mieux diviser, conditionner, réprimer ou récompenser afin d’arriver à ses fins.
Tapis au sein de l’opposition, ces candidats issus des partis satellites jouent et cachent jusqu’à la perfection leur double appartenance.
Ils ne cherchent pas le pouvoir. Ils ont pour mandat de rapporter, de créer la diversion pour retarder pour tuer l’élan d’émancipation du peuple à travers l’opposition véritable.
Séparer le bon grain de l’ivraie
Cela doit être le rôle des intellectuels, la société civile, l’opposition, la famille, les leaders d’opinions désireux d’un changement en profondeur de la gouvernance en Mauritanie.
Les Mauritaniens de tous bords doivent à l’unisson se départir de leurs divergences ou complexes pour soutenir une candidature unique, celle du peuple, du prolétariat et non de la bourgeoisie et de l’oligarchie.
Pour montrer que les autres mauritaniens aussi ont droit au chapitre, à la fonction présidentielle.
Il s’agit de voter utile pour sanctionner les candidatures satellites et de subordination dont se sert le pouvoir pour fragiliser les véritables adversaires politiques et ainsi se positionner ou repositionner selon les éventuels cas de figures.
Seyré SIDIBE