Initiatives News – En Mauritanie, la sous-représentation des femmes persiste dans les sphères décisionnelles, notamment en politique.
Cadre légal et législations
La femme mauritanienne est électrice et éligible à tous les mandats électifs : présidence de la République, Assemblée nationale et conseils municipaux. En 2006, une loi instituant un quota minimum de 20 % pour la représentation des femmes sur chaque liste municipale et législative a été adoptée.
Ce quota a été amélioré par la refonte du code électoral pour favoriser l’accès des femmes aux assemblées parlementaires et municipales avec des mesures telles que :
- L’augmentation de la proportionnalité au scrutin de liste dans les élections législatives.
- La création d’une liste nationale de 20 femmes candidates aux élections législatives.
- L’augmentation des circonscriptions électorales ayant trois ou plus de trois députés.
- L’introduction d’une liste nationale de 20 députés.
Des incitations financières aux partis politiques ayant élu plus de femmes.
Élections de 2023 et réalités actuelles
Lors des élections de mai 2023, plus de 10 000 femmes se sont portées candidates, représentant 32,57 % des listes municipales et 35,10 % des listes régionales et législatives. Sur 176 sièges à l’Assemblée nationale, 41 ont été remportés par des femmes. Cependant, malgré ces progrès, les défis restent nombreux. Atikatou Dieng, responsable de l’éducation des citoyens à la Commission électorale nationale indépendante (CENI), exprime son insatisfaction : « Les femmes en politique sont davantage candidates que des élues du peuple… Sur les 248 fauteuils de maires, il n’y a que deux femmes. »
Défis persistants et exemples inspirants
Les élections présidentielles de 2024, marquées par la réélection de Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, ont vu une absence notable de candidates féminines, soulignant les défis persistants pour les femmes en politique. Atikatou Dieng prône la promotion de la masculinité positive : « C’est arriver à faire les hommes comprendre qu’ils doivent soutenir et encourager la candidature des femmes. » Jamila Al-Naha et Wane Khadijetou, jeunes élues du parti INSAF, incarnent cette nouvelle dynamique. Jamila, 34 ans, est députée. Elle enseigne à l’université de Nouakchott. Khadijetou, 29 ans, est institutrice. Toutes deux défendent la cause éducative et apportent des perspectives cruciales à la table politique.
Halima Sogho, une entrepreneure de 32 ans, bien qu’elle n’ait pas été élue, reste déterminée à poursuivre son militantisme pour l’emploi des jeunes et la représentation des femmes en politique. « Les femmes doivent continuer à s’impliquer en politique, à défendre leurs idées et s’engager plus activement à tous les niveaux », déclare-t-elle.
Conventions internationales et réalités pratiques
La Mauritanie a ratifié plusieurs conventions internationales relatives à l’égalité de genre, telles que la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) et la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples. Cependant, ces conventions restent souvent méconnues des décideurs et de la population. Fatimetou Mint Ahmed Salek, professeure et actrice de la société civile, déplore : « La plupart de ces conventions restent méconnues… y compris des femmes elles-mêmes. »
En juillet 2020, il y avait 31 femmes députés sur 51, cinq femmes ministres sur 30 et quatre femmes secrétaires générales de départements ministériels. Sur 219 communes, il y a six femmes maires et une seule femme présidente du conseil régional, celui de Nouakchott où siègent 13 hommes. « Actuellement, le pourcentage de participation des femmes dans la vie politique est de 25 % au Parlement et 36% au niveau des autorités locales », ajoute Fatimetou Mint Saleck. En Mauritanie, sur une population de 3 387 868 habitants, les femmes représentent légèrement plus de la moitié, soit 52%.
Obstacles et solutions
Les lois favorisant une plus grande représentation des femmes en politique ont un impact limité, surtout en milieu rural où l’analphabétisme et la pauvreté sont endémiques. Fatma Elkory Oumrane, militante des droits des femmes, insiste sur l’importance de sensibiliser et d’informer les femmes pour renforcer leurs capacités et leur autonomisation. Le Code de la famille, bien qu’il régule la vie des couples et protège la famille, présente des insuffisances. « Les femmes sont soumises aux volontés des pères, frères et maris », note Fatimetou Mint Ahmed Salek, soulignant les nombreux obstacles entravant l’autonomisation économique des femmes.
Perspectives et plaidoyers
Elid Mohamed M’bareck, député et militant des droits de l’Homme, appelle à une réforme juridique et institutionnelle : « La situation des femmes dans les instances de prises de décision est insatisfaisante. » Il soutient le leadership féminin et estime que l’accompagnement des femmes dans le processus d’égalité de genre est crucial pour le développement du pays.
Kadiata Malik Diallo, députée à l’Assemblée nationale, considère que la représentation politique des femmes devrait être plus importante. « Tant que la femme n’est pas aux postes de décision, elle ne peut avancer. Une plus grande représentation des femmes au niveau des postes politiques lui aurait permis de participer à l’élaboration de stratégies politiques, économiques et sociales et d’améliorer la vie de ses concitoyennes. » Elle rappelle l’existence de la Stratégie nationale d’institutionnalisation du genre 2015-2025 (SNIG), qui reconnaît les déséquilibres entre hommes et femmes malgré les garanties constitutionnelles.
En Mauritanie, bien que des avancées aient été enregistrées, des défis importants subsistent. Les récits inspirants de Jamila Al-Naha, Wane Khadijetou et Halima Sogho montrent que la détermination des femmes pourrait un jour forger un avenir politique plus équitable. Cependant, pour parvenir à une pleine participation des femmes en politique, des efforts constants de sensibilisation, de renforcement des capacités et de plaidoyer sont nécessaires.
Amy Fofana