TV5 MONDE – Dans son écrin de sable et de montagnes sahariennes, Chinguetti apparaît comme un mirage. La ville sainte de l’islam est célèbre pour ses manuscrits centenaires et sa riche histoire, mais c’est aussi un lieu où la joie de vivre et la solidarité se manifestent.
Malgré le chèche, un cocktail de sable et de poussière de cailloux s’invite dans la bouche. Bienvenue à Chinguetti, la ville des sables de l’Adrar mauritanien, prisée des érudits du monde musulman avant qu’elle ne périclite.
Et prisée, aujourd’hui, des touristes étrangers qui, grâce à la coopérative de voyages Point-Afrique et à un aéroport à quelque distance, se rendent chaque année dans les montagnes de l’Adrar et à Chinguetti.
Ici, le tourisme saharien fait revivre un joyau d’architecture et d’histoire, mais aussi une communauté très attachée à ce lieu malgré la difficulté d’y vivre. De fait, Chinguetti, avec ses maisons de pierre rose, subit les assauts des dunes qui l’entourent. Sans relâche, le sable s’infiltre entre les pierres et défait le travail des hommes.
Le visage de l’Histoire
Avec les caravanes reliant l’Afrique noire au Maghreb, au Moyen-Orient et à l’Espagne, voyageant dans les sacoches des chameaux, l’écrit a tracé au Sahara un chemin que les sables n’ont pas enseveli. Dès le Moyen-Âge et jusqu’à la colonisation française, les œuvres ont circulé du nord au sud, d’est en ouest.
En Mauritanie, des brassées de manuscrits témoignent de ce désir de porter les savoirs et la foi par-delà l’incroyable frontière du désert. Chinguetti, surnommée 7ème ville sainte de l’islam sunnite pour son rayonnement intellectuel et religieux depuis le Moyen-Âge, était reliée à un vaste réseau d’érudits et de mécènes qui y faisaient halte avec leurs ouvrages.
L’âge d’or de Chinguetti se situe entre le XVème et le XVIIIème siècle : de grandes familles maraboutiques constituent alors des bibliothèques composées de livres religieux, mais aussi de poésie, d’astronomie, de calligraphie, de grammaire…
On estime ce patrimoine mauritanien à 40 000 ouvrages de parchemin aux couvertures en cuir de gazelle ou de chameau. Malheureusement, ce legs que l’on peut découvrir dans de petits musées privés de Chinguetti souffre tout autant du climat et du manque de moyens que les habitants. Beaucoup sont contraints de migrer vers la grande ville et ne reviennent qu’à la saison de la récolte des dattes ou l’hiver, quand les touristes arrivent.
Le visage d’une nature grandiose
L’Adrar, qui signifie montagne en langue berbère, est le majestueux écrin de Chinguetti, une région saharienne de plateaux et de sommets de grès rouge creusés de canyons où s’immisce parfois une oasis de palmiers à la faveur d’un mince filet d’eau vive en surface. En 4×4 ou à pied, en méharée chamelière, ce vaste territoire au coeur de la Mauritanie ne cesse de surprendre : lorsque les dunes de sable rose ou blanc s’épuisent, le paysage devient lunaire et se transforme en reg, rugueux mélange de cailloux et de roches éboulées.
Et pourtant un plateau se dresse peu à peu sous vos yeux, ouvrant un étroit passage vers des gorges. Le spectacle saisissant fait toucher du doigt la passion de l’explorateur Théodore Monod, le “fou du désert“ qui a découvert dans l’Adrar des sites néolithiques et révélé au monde, dans une zone hostile, l’immense cratère de Guelb El Richat, longtemps resté une énigme scientifique.
Le visage de l’humain
Abdou Bouamou, natif et amoureux de la ville, officie en tant que guide touristique et vient d’ouvrir un campement à proximité de l’oasis de Chinguetti où prospèrent des jardins à l’ombre de figuiers, de citronniers et autres agrumes.
Grâce à des puits, les propriétaires cultivent légumes, fruits, herbes aromatiques : c’est un enchantement que de s’y poser. Mais Abdou est aussi le fondateur d’une ONG, Medinaty, qui œuvre auprès des écoles pour accompagner et soutenir financièrement les enfants. Il n’est guère aisé pour les familles d’envoyer leurs enfants à l’école, compte tenu des frais de matériel et de nourriture. Un citoyen mauritanien bien informé explique que beaucoup d’enfants travaillent…
C’est en particulier à la petite enfance que s’adresse Abdou, avec du matériel et des jouets, un projet de jardin collectif et l’adduction d’eau dans les écoles. Des bourses de l’ONG accompagnent ces jeunes jusqu’au collège.
Dans un pays où beaucoup sont très pauvres, la solidarité et la convivialité ne sont pas un vain mot, notamment à Chinguetti. Ne serait-ce que pour repousser le plus possible, par les rires des enfants, le commerce, l’artisanat, l’hébergement et toutes les petites activités humaines, l’inexorable avancée du désert et la fuite des populations.
Copié sur Cridem : Article rédigé par Sabine Grandadam