Rien n’est immuable. Tout est écoulement, tout change . Le plus puissant ne peut rester indéfiniment sur son petit nuage, regardant sans état d’âme, souvent les autres avec dédain et condescendance.
Le plus puissant peut du jour au lendemain tomber « en disgrâce », cherchant protection et défense .Telle est la condition humaine. Cette dynamique dont les manettes et l’horloge sont la propriété d’un être supérieur ( juste et parfait) rappelle à chacun et aux plus consciencieux que
la vie des hommes et de nos sociétés est précaire. Rien n’est éternel.
Tout est finitude. Tout est périssable au point que le philosophe s’est interrogé avec pertinence si vraiment, cette vie vaut la peine d’être vécue ?
Nous sommes tous faibles
A quelques heures de l’investiture du président Ould Ghazouani pour un second mandat, à l’issue de la présidentielle du 29 juin 2024, marquée par une crise post-électorale, tuée dans l’oeuf, emportant la vie d’au moins cinq jeunes à Kaedi, chacun mesure la force du pouvoir et sa capacité à faire accepter ou même imposer sa volonté.
Le président Ould Ghazouani est réélu, les morts sont morts pour rien. Il n’ y aura ni enquêtes ni coupables et encore moins un procès. On ne saura pas tout sur ces assassinats qui en rappellent d’autres.
La légitimité et la légalité, celui qui est porté au pouvoir dans nos États, peut s’en procurer à tout bout de champ, en actionnant plus d’un levier à sa disposition. La seule vérité qui vaille est celle du pouvoir, de celui qui est au pouvoir. Il devient l’incarnation de la loi et même l’esprit de la loi, la référence pour interpréter chaque mot, chaque paragraphe de la loi. Ce tableau quelque peu caricatural montre à merveille le malaise de notre système judiciaire.
Ould Abdel Aziz : rattrapé par sa propre justice
Sans vouloir, innocenter l’ancien président, Ould Abdel Aziz ou refaire son procès, qui n’a pas été choqué par la descendante aux enfers de l’homme ?
Un tout-puissant que même les mouches craignaient, réduit » à quémander » un extrait d’acte de naissance, pendant deux semaines dans son projet ubuesque de candidature à la présidentielle, se plaignant ou pleurnichant auprès du président du Conseil Constitutionnel.
Cette image était bouleversante.
Peu importe comment, il est arrivé au pouvoir, Mohamed Ould Abdel Aziz a eu l’opportunité de réformer, formater voire réinventer notre système judiciaire. Il n’ y a jamais pensé parce qu’il était « du bon côté », le côté des puissants et de l’impunité. Or, cette justice à deux grandes vitesse ne protège pas pour longtemps.
L’ancien président s’en était servi pour éliminer, écraser, envoyer en prison ou sur le chemin de l’exil certains opposants ou contradicteurs.
Le président Ould Ghazouani va-t-il oser libérer la justice du joug de l’exécutif ?
Le président Ould Ghazouani va être installé, ce 02 août 2024, pour un second mandat. Il est interpellé pour faire de la justice, le premier chantier de son dernier quinquennat.
Cela commence par la promotion de l’excellence, de l’éthique, de la vertu; en mettant courageusement fin aux nominations politiques, jusqu’ ici, seul critère pour accéder à de nombreux postes clés de la haute administration.
Les nominations à coloration purement politique ( par recommandation) créent un sentiment de redevabilité et d’allégeance vis-à-vis d’un vassal politique, qui tire toujours les ficelles.
Voilà le mécanisme par lequel se nourrissent jusqu’à satiété : clientélisme, népotisme, corruption etc. La politique ne doit pas se mêler de tout, et tout n’est pas politique dans une république. En effet, le politique et le technocrate n’ont pas les mêmes grilles de lecture. Si le premier ne peut se laver de tout opportunisme, de la démagogie, de la séduction sur fond de flagornerie, le second est intègre, une qualité que lui impose la science qui se veut universelle et tient un discours intelligible.
La politisation tous azimuts de nos institutions publiques est source de léthargie, de déroute et de faillite: la compétence est sacrifiée sur l’autel de la complaisance et de toutes sortes de logiques qui ne servent pas le mérite et la compétence.
S’il vous plait, épargnez , la haute administration, et tout ce qui a trait à la recherche scientifique, au monde universitaire, à l’expertise, à la justice, à la santé … de la politique politicienne.
Entourez-vous de politiques pour diriger mais pour gouverner, il faut donner plus de place aux technocrates et experts. Ceux-là vous diront que l’eau boue à cent degrés, que le prophète Mahomet PSL est musulman, que le fer est un métal …
Les hommes politiques, chez nous excellent dans le mensonge, la manipulation et la compromission.
La justice est l’alpha et l’oméga
Tous les maux de notre société se résument en une expression : le manque de justice.
Le racisme, l’esclavage, la féodalité, le tribalisme les discriminations de tous ordres, le népotisme, le clientélisme, la corruption, l’impunité, l’extrémisme, la haine et le même la violence dans une certaine mesure, la médiocrité, le manque de patriotisme, l’incivisme, les coups d’État militaire, constitutionnels, tous ces péchés sont la manifestation de l’absence de justice.
Cette crise de la justice, de notre justice commence par l’irrespect de nos propres lois par les autorités, comme elles étaient votées pour être appliquées exclusivement aux plus fragiles ou à certaines personnes.
La jungle est encore préférable à une société humaine où l’injustice règne en maître . En effet, les animaux s’affrontent de manière sauvage et grégaire, et cela loin de tout projet génocidaire et de stigmatisation. La force, comme loi est toujours valable et en toute circonstance au royaume des bêtes où il n’ y a ni médisance, ni manipulation, ni hypocrisie…
Chez les hommes, et particulièrement en Mauritanie, c’est notre hypocrisie qui a atteint des proportions inquiétantes. On vote des lois qu’ on applique jamais. On criminalise des pratiques qu’on soutient en silence.
On essaie même de justifier l’impie par la religion pour plaire au chef, par une interprétation tendancieuse du texte etc.
Ces écarts à la morale sociale et religieuse, aux lois de la république n’ont été possible qu’ en l’absence de justice . La justice doit être la boussole, et seulement la crainte de la justice qui peut canaliser notre façon de vivre, de parler et même notre rapport avec les autres, et même la chose publique.
La justice aurait permis d’assainir notre société, donner à chacun et à tous l’opportunité de se réaliser dans le respect de l’intérêt général. Même notre foi, notre pratique religieuse aurait beaucoup gagné si véritablement, la justice était une préoccupation de nos gouvernants.
Le président Ould Ghazouani a tout intérêt à ce que la justice soit indépendante. En effet, une justice politisée est comme un monstre qu’ on a nourri, élevé sachant qu’ il finira toujours par dévorer son maître.
Seyré SIDIBE