L’ÉCRIT OSÉ: Honorables et distingués destinataires,
Permettez moi de ne pas passer par les rappels peu pertinents et les déclarations encombrantes, pour ainsi aller droit au but.
Cette note est un appel désespéré à une unité de candidature, à s’entendre sur une voix qui sera portée par une de vos personnalités respectées dans une volonté d’alliance de la part de tous. Nous parlons bien d’une forme de coalition qui, s’il le faut, passera par le désistement de tous sauf un, à savoir le candidat sur lequel vous tomberez d’accord.
En plus d’être une réclamation vers laquelle la voix populaire converge peu à peu et de plus en plus fortement, ce scénario est soutenu par des considérations purement objectives et rationnelles.
Car une chose relève d’une certitude presque mathématique (et j’aimerais bien me tromper sur ce point): Si vous y allez tous, vous perdrez tous! Et, non seulement vous perdrez, mais vous perdriez dans une relative insignifiance. Et ce n’est ni être pessimiste, ni être défaitiste, et encore moins être un oiseau de mauvaise augure que de l’affirmer.
Vous allez en effet vous obstruer le chemin les uns les autres; car vous empruntez bien un chemin commun. Et par la force des choses, vous vous livrerez à une lutte intestine inévitable, menée par vos lieutenants locaux respectifs; vous vous bloquerez la route dans le désir dont chacun de vos camps sera naturellement animé d’avoir l’avantage sur le reste.
Et tout cela, vous le ferez sur la moitié de l’autoroute qui vous sera disponible dans toute son étroitesse; l’autre étant occupée par le convoi du pouvoir chargeant déjà toute la masse acquise à sa cause notamment par des voies bien connues du clientélisme électoral dont il semble jusque là détenir l’ultime secret du fonctionnement.
L’enjeu capital d’une présidentielle mauritanienne est de forcer le parti au pouvoir à un second tour. Ce qui reste un fait d’une grande rareté dans l’histoire électorale du pays. Étant donné le mécanisme décrit ci-dessus, les chances d’y parvenir sont objectivement moindres dans la configuration actuelle, en dehors même des irrégularités du processus à prévoir.
Cependant, vous avez une possibilité sans faille d’acquérir cet objectif en coupant l’herbe sous le pied du pouvoir et choisissant de jouer le deuxième tour au premier tour: c’est ce que l’unité de candidature permet justement de faire. Dans une telle option, vous avez des chances de gagner incomparablement meilleures que celles actuelles; et s’il arrivait que les urnes vous donnent perdant, votre résultat n’en serait en aucun cas similaire au score habituel du candidat malheureux; celui-là qui n’a jamais encore pu faire de son détenteur une force d’opposition prépondérante.
Ainsi, votre hypothétique coalition serait, même dans le cas défavorable, en mesure de constituer une force politique conséquente capable de redonner espoir au peuple qui souffre, et de dynamiser les aspirations au changement. Le bilan prévisionnel est donc simple à formuler: Réunis, vous êtes sûrs de gagner – le pouvoir ou la force suffisante à le contrer. Dispersés, vous perdez immanquablement et repartez dépourvus de toute capacité populaire à bâtir un pôle d’actions politiques significatif.
Je mesure parfaitement vos gigantesques investissements personnels respectifs. Je comprends les aventures et les attentes. Mais je fais aussi confiance en vos capacités à faire preuve de réalisme et d’abnégation, et à vous dépasser au bénéfice du bien commun imposé par la situation.
Si je vous écris aujourd’hui, à cinq semaines du jour des urnes, c’est bien par obligation. Je me sens, à l’instar de ces milliers de concitoyens, obligé de vous interpeller. À ce jour précis et ce jusqu’au matin du vote, plus qu’au pouvoir et au système régulièrement dénoncé, les commandes du changement vous appartiennent.
Vous pouvez choisir de les utiliser à bon escient, tout comme vous pouvez vous inscrire dans le traditionnel sabordage des opportunités dont les conséquences se résument à des protestations postélectorales assorties d’atteintes physiques et d’arrestations sur des manifestants.
Que ferez-vous de ce pouvoir que vous tenez déjà entre vos mains ? Allez-vous prendre la décision rationnelle qui s’impose, loin des considérations personnelles secondaires? Oserez-vous donner au peuple la chance de pouvoir enfin agir significativement à partir de l’isoloir? Saisirez-vous cette opportunité de réaliser un tel événement historique? Nous sommes nombreux à compter sur votre sagesse.
Veuillez s’il vous plaît recevoir mes salutations distinguées.
Vendredi 24 Mai 2024
Dr. Mouhamadou Sy