Au mois de février 2023, les Soninkés du monde se réuniront à Nouakchott pour célébrer SONINKAXU : le Festival International Soninké.
Ce rendez-vous annuel, itinérant désormais écrit en marbre dans le calendrier social Soninké se propose de magnifier et faire connaitre la culture Soninké dans ses différentes composantes. Il a pour cadre géographique l’Afrique de l’Ouest, où les communautés Soninkés sont fortement et historiquement présentes : Mauritanie, Mali, Sénégal, Gambie, Guinée Conakry et Guinée Biseau.
En plus de la participation des délégations de ces pays, la diaspora Soninké dynamique, disséminée à travers monde mais attachée au terroir, porte étendard de la culture Soninké sous d’autres cieux, sera aussi de la partie.
Dans un monde hyper libéral, égoïste et matérialiste par essence, la culture est partout menacée, si elle n’est pas peu considérée. A cela s’ajoute l’impérialisme « des cultures dominantes » qui n’hésitent pas à minimiser ou même à « broyer » celles dont le génie est moins porteur de technologie.
Ainsi, la création du FISO reste en soi une idée ingénieuse pour créer des passerelles entre tous les Soninkés de la terre ; mais également préserver un pan de la culture des langues mandées, de l’Afrique de l’Ouest et au-delà.
Chaque année, une thématique est inscrite à l’ordre du jour de la manifestation, choisie pour son intérêt et donc sa pertinence. Cette année, un thème s’impose au regard de l’actualité : LA RECONCILIATION.
Les organisateurs du FISO sont attendus au tournant. Ces cinq dernières années, Soninkara vit son Printemps : des villages divisés en deux, en trois, des familles séparées, des « amitiés défaites », des vallées de larmes et de sang, des déplacés sur fonds de conflits fonciers, des meurtres abominables, des procès interminables et sans verdicts, des condamnations, de la haine, des dépenses superflues pour soudoyer : des méthodes et pratiques indignes ; bref, les frères Soninkés se livrent une guerre fratricide pour l’orgueil et la vanité, piétinant la fraternité, le voisinage, les liens de sang historiques etc.
La paix étant la condition sine qua non de tout développement et un préalable à toute expression culturelle, le FISO ne peut aucunement passer à côté de la préoccupation majeure des Soninkés aujourd’hui. C’est une question de crédibilité et de priorité.
Le FISO ne peut faire fi de la crise multidimensionnelle qui secoue Soninkara, désormais au bord de la décrépitude et du déclin. La culture qui est au cœur du Festival Soninké, sera magnifiée, encensée et vantée. Mais n’oublions pas qu’elle porte la responsabilité de cette guéguerre, ou du moins certains aspects de la culture Soninké, devenus inappropriés, impopulaires et sources de tension.
La culture, c’est l’estampille de l’existence d’un peuple, c’est la preuve matérielle de la vitalité, de la dynamique et l’identité propre d’une communauté, qu’il faut préserver, entretenir, mais surtout actualiser, ajuster et réajuster judicieusement en fonction des aléas du temps, du contexte et des intérêts sans quoi, elle peut être à l’origine de la guerre ou de la division.
Qui n’est pas attaché à une partie de son corps ? Personne !
Mais lorsqu’un membre de notre corps est rongé par le cancer, on s’en débarrasse pour éviter la métastase. C’est le même principe que la culture. Lorsqu’elle ne fait plus consensus et pose problème, il faut vite et au plus vite faire appel à un chirurgien qualifié pour procéder à une intervention, réparatrice et non reproductrice.
Ce message est une modeste contribution. J’espère qu’il sera entendu par les organisateurs du FISO. Il est vrai que parler de ce sujet au moment où les blessures saignent encore, les larmes loin d’être séchées, il faut beaucoup de courage et de tact. Il faut au moins, oser ! Ainsi l’histoire retiendra que cette grande retrouvaille Soninké aura tenté de réconcilier les Soninkés.
Quelle thématique peut-elle être la vedette de cette édition ? Sans aucun doute, « Liŋoye » la Réconciliation ou encore « Banannaaxu », l’égalité dans la fraternité. On ne peut pas à l’heure actuelle organiser le FISO en omettant ou en passant sous silence – pour quelques motifs que ce soit -, la réconciliation.
Les Soninkés attendent plus de ce festival, que le bruit du Jenbe, les pas de danse du Woroso, Jowonde, Janba ou encore Donqanŋe.
Mais, ils aspirent tous à la paix. Une paix qui impliquera une relecture ou réécriture du contrat communautaire, où la dignité est par essence humaine, la chose la mieux partagée entre tous les hommes surtout appartenant à une même communauté linguistique et culturelle ; et non une valeur discriminatoire liée à la naissance ou à la classe.
Et si la réconciliation intra Soninké pouvait être scellée depuis Nouakchott, la capitale Mauritanienne. L’histoire serait belle, surtout belle à raconter, assurément une source de satisfaction pour les autorités de Nouakchott, pour inclure cette réconciliation vivement attendue par les populations Soninkés dans le bilan du quinquennat qui s’achève : un argument électoral pertinent à la veille des élections.
Seyré SIDIBE