Toute une administration mobilisรฉe pour inaugurer un pont offert : cโest grave, mais peu semblent sโen offusquer. Et pourtant, il y a de quoi tirer la sonnette dโalarme.
Ce qui devrait relever dโun acte ordinaire de gestion publique devient un spectacle de pouvoir. Derriรจre cet รฉvรฉnement en apparence banal se cache une rรฉalitรฉ bien plus prรฉoccupante : la dรฉnaturation progressive de lโรtat par lโhyperprรฉsidentialisme.
Ce constat dรฉpasse largement le cas de la Mauritanie. Cโest une rรฉalitรฉ bien ancrรฉe dans de nombreuses administrations africaines. On y observe une concentration excessive du pouvoir autour de la figure prรฉsidentielle, au dรฉtriment des institutions intermรฉdiaires et des mรฉcanismes dรฉmocratiques normaux.
Cette effervescence autour dโun pont financรฉ et construit par la Chine sโexplique par une seule chose : la prรฉsence du chef de lโรtat.
Devant lui, les discours se peaufinent, les postures sโalignent, les louanges sโรฉlรจvent. Pourtant, plusieurs dรฉrives sont manifestes :
โข Lโhyperprรฉsidentialisme : le prรฉsident devient lโincarnation de tout, jusquโau moindre projet dโinfrastructure. Il est perรงu comme lโartisan unique, bien que les citoyens ne soient pas dupes.
โข Le culte du symbole : on prรฉfรจre lโimage, la mise en scรจne et le spectaculaire ร lโaction concrรจte et ร la rigueur dans la gestion publique.
โข La dรฉresponsabilisation des administrations locales : devenues incapables dโagir sans validation prรฉsidentielle, elles se retrouvent vidรฉes de leur rรดle naturel.
โข La dรฉpendance extรฉrieure normalisรฉe : cรฉlรฉbrer un ouvrage entiรจrement financรฉ par lโรฉtranger comme une victoire nationale traduit une rรฉsignation face ร notre faiblesse structurelle.
Dans un systรจme institutionnellement sain, le maire de la commune concernรฉe aurait pu inaugurer ce pont, en tant que reprรฉsentant lรฉgitime des populations locales. Cela aurait donnรฉ du sens ร la dรฉcentralisation, renforcรฉ la confiance des citoyens dans leurs รฉlus de proximitรฉ, et favorisรฉ lโappropriation locale des projets.
Mais nous sommes encore loin de cette maturitรฉ politique. Ce que nous voyons, cโest un รtat thรฉรขtral, oรน lโefficacitรฉ est secondaire, et oรน le pouvoir local nโest quโun figurant.
Il devient urgent de repenser les fondements de notre gouvernance.
Les gรฉnรฉrations ร venir auront un vaste chantier. Ou, pour reprendre un mot qui rรฉsonne bien chez nous : du boulot. Il faudra dรฉconstruire le culte du sommet, redonner du sens ร lโaction publique, et bรขtir des institutions solides, crรฉdibles et responsables.
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