En décrétant, chaque 25 septembre, journée Internationale de la langue Soninké, l’UNESCO envoie un message fort aux Soninké. Message que beaucoup d’entre nous ne cherchent à décrypter, à en comprendre la signification et l’implication profondes, pas à cause de la ferveur et l’enthousiasme que suscite l’événement.
Il est tout à fait normal de jubiler, de célébrer cette journée exceptionnelle et historique, qui honore une communauté, un peuple, une culture, un patrimoine et une langue. Et dans cette commémoration, il faut associer tous ceux qui parlent Soninké sans être Soninké culturellement, tous les Africains et tous ceux qui aiment les langues du monde. Cette reconnaissance est une satisfaction pour tout ce monde, chacun y trouve sa part de bonheur.
Il y a maintenant, le non dit de cette distinction accordée à la langue Soninké
Cette consécration de la langue Soninké par l’UNESCO, est une invite à la recherche sur notre langue, notre culture etc., en vue de mieux la « vulgariser », mieux l’étudier, la comprendre et la développer. Par cette reconnaissance, l’UNESCO lance un message aux Soninké que la langue Soninké, comme toutes les langues du monde, n’est pas figée. Idem pour la culture. Ceci étant, l’UNESCO dit de manière à peine voilée aux partisans de l’immobilisme social que rien n’est statique.
La langue et la culture sont par essence dynamiques. Les changements tant redoutés par certains dans le Soninkara, sont consubstantiels à la culture. La culture fonctionne un peu comme, certains animaux qui font des mues, non pas par fantaisie ou par simple plaisir : cela s’appelle de l’adaptabilité ou de la résilience.
En clair, toute culture qui ne peut s’adapter, en intégrant la dynamique endogène et exogène est appelée à mourir. Laissez la culture et la langue Soninké s’exprimer librement, ne lui imposez pas votre diktat ou primes passéistes. Elles sont suffisamment mûres, intelligentes et capables de se défendre.
Cela dit, quelque part, l’UNESCO encourage et met au défi les Soninké à accepter que la dynamique est un critère de vitalité, de créativité et même d’ingéniosité d’une langue. En effet, la langue est comme un fleuve qui charrie la culture ( les cultures), pour lui (leur) permettre de se développer, de prospérer, et de s’affirmer. L’immobilisme social est donc l’ennemi mortel de la langue et partant de la culture. Laissez-nous vivre, nous épanouir et être en phase avec la philosophie de notre époque, sans bien sûr nous compromettre. C’est possible !
L’autre message sous-entendu de l’UNESCO, le Soninké en tant que langue devient un patrimoine pour tous les hommes (l’humanité). Il cesse d’être la seule propriété de ses locuteurs natifs. Aussi, cette reconnaissance par l’UNESCO nous oblige-t-elle à changer notre regard sur la langue Soninké, qui cesse d’être réduite à une simple fonction vernaculaire.
Dès lors, les Soninké sont invités à accepter l’ouverture, vaincre notre autarcie habituelle, méfiance ou condescendance vis-à-vis des autres, pour favoriser le dialogue des cultures et des langues : le métissage.
Seyré SIDIBE