CRIDEM: La Mauritanie est riche ! Agriculture, élevage, forêt, poissons, fer, or, pétrole, gaz etc. Elle dispose de toutes les richesses naturelles possibles et imaginables. Le mauritanien, lui, est extrêmement pauvre.
Plus de 2.3 millions de personnes, soit 56.9% ou encore six personnes sur dix vivent en situation de pauvreté, privées d’éducation, de santé et de conditions de vie et d’emploi. Face à cette situation chaotique, la politique de l’Etat n’a pas été capable d’attaquer efficacement les sources principales de pauvreté malgré le travail considérable qui a été fait dans le cadre de la lutte contre l’exclusion et la pauvreté, durant le premier quinquennat du Président Mohamed OULD CHEIKH EL GAZOUANI.
La Mauritanie est encore loin d’être sur la voie de bonne gouvernance à cause de l’incohérence des politiques, de la mauvaise gouvernance mais aussi de la corruption qui est un problème fondamental pour le développement du pays depuis des décennies.
La corruption est le fléau que nous n’arrivons pas à esquiver, elle nuit le plus aux pauvres et aux vulnérables, augmentant les coûts et réduisant l’accès aux services de base et même de la justice. La corruption persiste dans notre pays se manifestant sous des facettes multiples, depuis le dessous-de-table jusqu’au détournement à grande échelle des ressources publiques.
De ce fait, le Président sortant Mohamed OULD CHEIKH EL GHAZOUANI, après avoir été réélu pour un second et dernier mandat, a promis une lutte sans merci à l’encontre de la corruption. A ce titre, il y a urgence qu’une vraie lutte soit décrétée à l’encontre de la corruption. La lutte contre la corruption se ferrait, d’abord par le truchement de la sensibilisation de ceux et celles qui ont ou auront la charge de la gestion de la chose publique et ensuite par la mobilisation de la population.
De ce point de vue, il conviendrait, d’organiser des états généraux sur la gravité de la corruption ; ses causes et ses conséquences dévastatrices, notamment le sapement de la confiance dans les institutions publiques, le sabotage de l’économie, l’affaissement de l’autorité judiciaire, puis la détérioration du tissu social.
Cela étant, il ne faudrait pas oublier le volet répressif. Car la corruption est avant tout une infraction. Dans ce cadre, il est recommandable que l’Etat rende inéligible à la gestion des affaires publiques toute personne condamnée pour corruption. Désormais, ladite lutte doit être guidée par des mesures économiques fortes et un cadre juridique aussi parfait. Il est à rappeler que la Mauritanie a institué la loi n° 014-2016 relatif à la lutte contre la corruption dont les objectifs sont :
Incriminer la corruption dans toutes ses formes Faciliter et d’appuyer la coopération internationale pour la lutte contre la corruption et le recouvrement d’avoir mal acquis.
Les gouvernements qui se sont succédés y compris l’actuel dirigé par le Premier Ministre Monsieur Moctar OULD DIAY ont maintes fois affirmé leur engagement d’élimination de la corruption par tous les moyens disponibles.
Les principaux organes mauritaniens chargés de la lutte contre la corruption et les infractions assimilés sont : l’Inspection Générale d’Etat, l’Inspection Générale des Finances, la Police Chargée de la Lutte contre la Criminalité Economique et Financière et le Tribunal de Première Instance Chargé des Affaires de Corruption. Les politiques, les actions et les mesures prises dans le cadre de la lutte contre la corruption par ces organes méritent d’être revues, soutenues, encouragées et encadrées pour répondre à leurs missions dévolues.
En 2021 la Mauritanie était classée au 140ème rang dans l’indice de corruption. Selon les chiffres de l’union européenne en 2023. Plus de 30% de la population est proche ou vit déjà dans une pauvreté multidimensionnelle, privée de soins de santé, d’éducation et des conditions de vie acceptables. 844 000 avaient besoin d’une aide humanitaire et plus de 150 000 enfants risquent la malnutrition. Ce classement inquiétant invite le gouvernement du Premier Ministre Monsieur Moctar OULD DIAY à intensifier ses efforts et assumer ses responsabilités pour établir une gouvernance intègre et transparente au service des citoyens.
La corruption a entrainé depuis des décennies, des conséquences préjudiciables et graves sur le cadre de la politique économique du pays et, a, porté atteinte à la crédibilité des procédures ainsi qu’à la crédibilité de nos institutions publiques. Les chiffres et les statistiques nécessitent des efforts concertés pour formuler des mesures pratiques afin que nous puissions éradiquer ce fléau si grave et si enraciné.
Le nouveau gouvernement est à la croisée des chemins en matière de la lutte contre la corruption, C’est-à-dire qu’il doit, soit prendre des décisions concrètes et opérationnelles et il doit entamer des réformes politiques, économiques, sérieuses et rigoureuses ou soit il choisit le chemin même qui perpétue la corruption, la mauvaise gestion et la manipulation des intérêts publics, et qui par la suite entraînera la dévastation, la paupérisation et la décadence.
Il convient de mettre l’accent pour mieux comprendre l’impact de la corruption et la nécessité de mettre sur pied une invention intègre pour la combattre, de définir la corruption et ses manifestations (I), ensuite, présenter le cadre juridique et institutionnel de la lutte contre la corruption (II) et enfin, proposer des solutions pour lutter efficacement contre la corruption (III).
I : Définition de la corruption et de ses manifestations
Premièrement
La corruption désigne toutes les infractions prévues au titre de la loi 2016-014. La corruption est définie comme un phénomène endémique susceptible de rompre la confidence de la population dans les pouvoirs publics et pouvant remettre en cause les fondamentaux d’une société démocratique. Elle se défini également par le fait, de s’écarter de l’ordre public, ou de ne pas y adhérer, ou d’exploiter leur absence pour atteindre les intérêts économiques, politiques ou sociaux d’un individu ou d’un groupe spécifique.
Il y a eu plusieurs tentatives de rebaptiser le mot de corruption voire même de l’embellir pour entraver une gouvernance intègre et transparente au service des populations. On parle pour cacher, occulter et exorciser le mauvais côté de la corruption, de « Pot de vin – Sous de table – Boire du thé – Commission – Pourboire – Un petit quelque chose – Cadeau et Frais commerciaux exceptionnels etc. ».
Deuxièmement
Les manifestations de la corruption:
La corruption est considérée comme un désastre dévastateur auquel il faut faire face. Selon le FMI et la Banque Mondiale le coût estimé de la corruption dans le monde est de 1000 milliards de dollars versé un pot de vin chaque année soit un coût mondial de corruption estimé à 2600 milliards de dollars c’est l’équivalent de 5% de produit intérieur brut mondial.
Dans notre pays, la corruption est une des causes de la défiance grandissante des citoyens à l’égard de la classe politique. Il est donc urgent de restaurer les liens de confiance entre les citoyens et l’Etat en adoptant des tests garantissant la transparence dans la gestion des biens publics car en matière de corruption il n’y a ni petite ni grande de corruption dès lors qu’elle impacte toutes les couches de la société. La corruption a de nombreuses manifestations dont les plus importantes sont :
1-La corruption de l’agent public : la corruption de l’agent public signifie qu’un agent public reçoit de l’argent en échange de l’accomplissement d’un acte spécifique sans droit, la corruption active ou passive d’un agent public est incriminée en vertu de l’article 3, paragraphe 1 et 2 de la loi 2016-014 relative à la lutte contre la corruption.
2-Le népotisme : le népotisme désigne une tendance à accorder illégalement des avantages à des relations, des amis proches.
3-Le favoritisme : le favoritisme consiste à concéder des avantages par pure faveur et non eu égard au mérite ou à la justice afin que l’agent public puisse tirer un bénéfice personnel de cet intérêt.
4-Le trafic d’influence, le trafic d’influence est le fait d’accepter des offres ou des promesses ou bien de recevoir des dons pour en contrepartie, faire obtenir ou tenter de faire obtenir une faveur ou un avantage quelconque de l’autorité publique en dehors de la loi.
5-Le pillage des fonds publics : Le pillage des fonds publics : signifie le détournement de fonds publics à la suite de manœuvres frauduleuses et illégale des fonds de l’État sous de faux noms.
II. Cadre juridique et institutionnel de lutte contre la corruption en Mauritanie.
Le cadre juridique mauritanien en matière de la lutte contre la corruption comprend, entre autres, les dispositions du code pénal et du code de procédure pénale ainsi que la loi n°2016 -014 du 15 avril 2016 relative à la lutte contre la corruption qui combatte et criminalise la corruption, qui est venue compléter certaines de ces lois. Les exigences et les articles du droit pénal, ainsi que les procédures pénales. La Mauritanie fait partie des pays signataires de la Convention des Nations Unies contre la corruption le 25 octobre 2006.
Enfin, La réussite de la lutte contre la corruption et de la mauvaise gestion est conditionnée, entre autres, par l’existence d’une synergie d’actions entre les différents organes des contrôles cités ci-dessus, d’un côté et le renforcement de la répression des infractions économiques et financières dans les affaires de corruption d’autre côté.
III : Solutions proposées pour lutter contre la corruption
Nous présenterons ci-dessous quelques solutions à ce phénomène dont souffre notre pays :
1-Concevoir un dispositif anticorruption interne
La lutte contre la corruption ne repose pas uniquement sur la mise en œuvre des règles pénales. Le gouvernement afin de lutter efficacement et sévèrement contre toutes les formes de corruption sera amené à s’accorder sur la nécessité de construire une action préventive et d’y associer la société civile. L’Administration publique afin de mieux combattre la corruption doit en effet, concevoir ledit dispositif interne.
2-Cartographier l’ensemble des risques
Les dirigeants et les ordonnateurs du budget au niveau des départements ministériels, des institution publiques, des établissements, des sociétés publiques ou parapubliques, des entreprises publique ou privée ou toute autre structure à vocation publiques ou privés seront amenés à préparer une description des processus de travail au sein de leurs structures, ces dirigeants doivent poser les bonnes questions pour mieux gérer les affaires publiques :
Par exemple, Comment sont passés les marchés ? Comment sont prises les décisions courantes ? Comment sont effectuer les recrutements ? etc.
3-Récompenses et la reconnaissance
Les récompenses et la reconnaissance sont devenues un élément crucial et un outil essentiel de valoriser les réalisations des responsables, des agents publics et des employés. Les incitations monétaires, telles que les primes, les augmentations de salaire, servent de motivation financière directe pour les employés quelques soit leurs rangs. Ces récompenses sont bénéfiques, sont également des outils puissants pour montrer aux agents publics et aux employés l’appréciation de leurs travail. Les récompenses et la reconnaissance sont des mesures incontournables et efficaces pour lutter contre la corruption.
4-Transformation économique sans numéraire
Dans ce contexte, la monnaie doit circuler et être transférée numériquement, et il s’agit d’une méthode moderne qui permet d’annuler tout profit personnel. Ce type de procédure permet de payer les sommes sans aucune augmentation ni fraude, afin de ne laisser aucune place à l’enrichissement frauduleux et illicite.
5 -Principe de transparence et de clarification des sources de revenus et de dépenses
Le principe de transparence définit le rapport qu’entretient l’Etat avec ses citoyennes et citoyens quant à l’information et à la transparence sur leurs activités. Il est suggéré que l’Etat afin d’incarner ce principe de transparence financière de la vie publique, de créer une haute Autorité Administrative, Indépendante chargée de recevoir, de contrôler et de publier les déclarations des situations patrimoniales et les déclarations d’intérêts de certains responsables publics.
Ladite Autorité peut être également consultée sur des questions de déontologie, de conflit d’intérêts, de nominations relatives aux hautes fonctions, en collaboration bien entendu avec l’Administration Fiscale ainsi que la Commission de Transparence Financière de la vie publique instituée par le décret n° 2007-207 du 03 septembre 2007 dont les principales missions :
– Recevoir les déclarations des personnes assujettis à l’obligation de déclarations de patrimoine telles que définies aux articles 3, 4, 5, et 6 de la loi n° 2007-054 du 18 septembre 2007 relative à la transparence financière de la vie publique ;
– Assurer le suivi et la gestion du fichier des déclarations de patrimoine ;
– Elaborer et publier les rapports prévus à l’article 11 de la loi n° 2007-054 du 18 septembre 2007 ;
– Des salaires satisfaisants
À cet égard, les conditions de vie du citoyen doivent être améliorées, il faut avant tout garantir les droits fondamentaux au travail afin que l’employé puisse effectuer son travail dans les meilleures conditions et ne pas recourir à des actes illégaux tels que la corruption et le détournement de fonds.
7- Rôle de la presse dans la lutte contre la corruption et sa dénonciation
La presse doit jouer son rôle de quatrième pouvoir, qui met en lumière toutes les mauvaises pratiques s’agissant la corruption et les dénonce à travers des enquêtes, des investigations et enfin, le suivi du travail de l’administration.
8- Rôle de la société civile dans la sensibilisation aux dangers de la corruption
La société civile doit jouer son rôle en clarifiant les méfaits de la corruption. En résumé, la Mauritanie a besoin d’une gouvernance intègre et transparente, une lutte sans relâche contre la corruption et une véritable réforme de l’administration au service des citoyens.
Dr Ely Cheikh DAH