Les Mauritaniens votent régulièrement depuis les années 90, avec l’avènement du multipartisme : élections présidentielles, communales, législatives et même régionales.
Vu de l’étranger la démocratie est en marche, les institutions sont en place et fonctionnent comme dans les grandes démocraties de ce monde.
Un écran de fumée !
Le rendez-vous avec les urnes n’est pas plus qu’une gymnastique, une » théâtralisation démocratique », une supercherie qui coûte trop chère au contribuable, et qui met à rude épreuve
les éléments éparses de ce qui reste de l’unité nationale.
Le 29 juin prochain, les Mauritaniens retournent aux urnes pour élir le président de la république.
Mais d’ores et déjà la réélection du président sortant, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouna est assurée. On a même pas besoin de faire recours à l’art divinatoire.
Dans notre démocratie unique au monde, l’issue d’une élection présidentielle n’est un secret pour personne. Il n’y a point de suspense, tout est joué d’avance . Autre particularité de notre démocratie, comme en 2008 après le coup d’État contre Sidi Ould Cheikh Abdallahi, Ould Abdel Aziz est arrivé au pouvoir ; avant même qu’il ne termine son premier quinquennat, son successeur était tout désigné et son élection assurée d’avance.
L’histoire va-t-elle se répéter ?
Alors que le président Ould Ghazouani est dans l’assurance de succéder à lui-même pour son dernier quinquennat, le nom de son successeur circule depuis longtemps dans les bureaux, les marchés, les mosquées, les salons et dans la rue.
Le charme de la démocratie, d’une élection reste incontestablement le suspense, qui se manifeste par l’attente anxieuse des résultats, comme dans un examen sérieux où les candidats sont suspendus jusqu’au bout, non sans angoisse à la délibération.
Où est donc passée l’opposition ?
Finalement, en toute logique , on en vient à se poser la question de savoir s’il existe dans ce pays une opposition ? Et à quoi sert-elle ?
L’opposition, elle existe cependant, elle est l’ombre d’elle-même par ce qu’ elle est traversée par des divergences frivoles et capricieuses : problème d’égo, origine sociale, langue etc.
Des contradictions insensées qui la condamnent à ne jamais s’entendre autour d’une personnalité consensuelle en dépit des injustices qu’elle subit, qu’ elle dénonce inlassablement.
Tant que l’opposition ne réussira pas à s’affranchir des pesanteurs de plusieurs ordres, qui inhibent sa progression et sa cohésion, elle donne à l’autre les moyens de l’abattre.
Ce qui reste de l’opposition n’est plus que l’ombre d’elle-même puisqu’ elle est désormais ambivalente, difficile à cerner, à situer tant elle oscille dans tous les sens et dans toutes les directions : elle crie à hue et à dia.
Au-delà des élections : la réalité du pouvoir politique en Mauritanie
En vérité depuis l’indépendance, en Mauritanie on assiste au même pouvoir qui se meut en plusieurs régimes.
Ce sont les mêmes personnes à travers les mêmes familles, les mêmes tribus, les mêmes noms qui nous dirigent et s’invitent autour de la mangeoire. Un jeu de passe-passe sans fin.
Cette triste réalité est moins médiatisée que la question raciale, elle s’appuie encore sur des considérations sociales rétrogrades hiérarchisant les » familles en grandes et petites ».
Celles qui doivent diriger et celles qui doivent garder le troupeau ou astreintes aux travaux domestiques et champêtres.
Des logiques qui sont en contradiction avec la république et ses valeurs. Ainsi une majorité qui se présente dans sa mosaïque de couleurs et de cultures ( Arabe, Hartani, Pulaar, Soninké et Wolof) prend en otage le peuple mauritanien, soit la majorité. Cette dernière est exclue, et subit la dictature et l’injustice d’une oligarchie manipulatrice réfractaire à tout changement au nom de ses intérêts venus héréditaires.
Le peuple est la source de toute légitimité : l’exemple sénégalais
Il est grand temps que le peuple souverain, cette majorité silencieuse marginalisée prenne conscience, comme au Sénégal pour s’imposer, faire prévaloir son poids électoral et démographique afin de faire basculer la balance du bon côté, celui de l’intérêt général.
En effet, c’est au peuple de dicter sa volonté par les urnes et garantir la transparence de l’élection présidentielle du 29 juin prochain.
Au Sénégal, c’est bien la pression du peuple uni et engagé pour le changement qui a fini par payer, et porter au pouvoir des jeunes gens issus pour la plupart d’origines modestes.
Le pouvoir a tout tenté, tout essayé pour empêcher cette ascension mais c’était sans compter sur la détermination du PASTEF.
Chez nous aussi, cette prise de conscience doit naître, cet exemple doit nous inspirer pour mettre en termes à cet exercice du pouvoir politique basé sur l’origine sociale et tribale .
Il faut que l’école soit un vecteur d’ascension et de promotion sociales, la méritocratie comme critère principal de sélection : de sortes que le fils du charbonnier, du paysan, du berger, de l’éboueur, et celui du général, du colonel, du magistrat, du ministre et de l’homme d’affaires aient les mêmes chances lorsqu’ ils ont les mêmes diplômes.
Seule la vigilance citoyenne peut faire peur à l’Etat malgré les gros moyens dont il dispose : moyens de répression, de dissuasion, de corruption, de manipulation etc.
Partout sur le continent où l’alternance a été possible, elle est l’oeuvre des masses déterminées résolument à éradiquer l’injustice, les inégalités, la dictature, la mal gouvernance, et les « privilèges des clans ».
Face à l’entêtement, l’opiniâtreté du peuple, les institutions et les hommes qui les dirigent, soit les gardiens des intérêts du pouvoir finissent toujours par céder pour dire le droit, la Vérité…
Cela n’est possible que lorsque le pouvoir est bousculé, acculé non pas par une opposition politique réunie sous la bannière d’une formation politique, mais un peuple uni, solidaire et convaincu qu’ il est le vrai visage du pouvoir, sa raison d’être, son émanation, sa légitimité et sa puissance.
Fort de cette volonté revigorée de son unité, le peuple décide alors de soutenir un homme, soit le plus en vue, le plus pesant, le plus proche du bas peuple et le plus charismatique, le profil idéal et véritable épouvantail capable de battre le pouvoir.
Voilà dans quelle perspective, l’alternance politique est envisageable en Mauritanie.
Une vraie alternance celle des hommes, celles des institutions et des pratiques.
C’est seulement à ce moment qu’on verra arriver au pouvoir des jeunes et des femmes venus de milieux modestes.
Des gens nouveaux, propres et immaculés issus de la masse laborieuse, porteurs de valeurs de travail, de justice et d’égalité dont ils sont l’émanation et l’incarnation.
Seyré SIDIBE