Le Calame – Comment ne pas faire, d’une réélection apparemment tranquille, les prémices d’une chute aussi brutale que désastreuse ?
Se lever dès l’aube, descendre sur le terrain, déguisé et sans plus de cent MRU en poche, parcourir l’un ou l’autre des quartiers populaires, visiter telle ou telle école, service hospitalier d’urgences, entreprendre une quelconque démarche administrative, monter dans les taxis « tout droit », s’asseoir avec les ouvriers dans les ateliers, rencontrer de jeunes chômeurs errant dans les rues et écouter, partout, le bruit du peuple. Il souffre.
La moitié de la population de la capitale ne dispose que de bidons d’eau pour ses besoins quotidiens. Il n’existe pratiquement aucun service de l’État qui fonctionne de manière régulière et efficace, il est presque impossible pour un citoyen lambda d’achever la moindre démarche administrative en une seule journée, exposé qu’il est au chantage et à l’avidité des fonctionnaires.
La frustration et le mécontentement général ont atteint un rare degré de congestion et ce n’est pas peu dire que le citoyen a perdu espoir.
Vu d’un palais entouré de dizaines de gardes, conseillers et chargés de mission, un tel tableau peut paraître d’autant plus irréel qu’il ne manquera jamais de citoyens sélectionnés à l’avance ni de dîners avec certaines élites courtisanes pour en nier l’existence, sinon l’édulcorer à outrance. À défaut de prendre son courage à deux mains et fort d’un pourcentage de voix adéquatement obtenu par ces acheteurs de conscience – mais quel marché de dupes ! – le réélu ira donc vers son très incertain destin…
À moins qu’il n’entende, enfin, la vraie rumeur, celle de son peuple fatigué, et entreprenne, dans les réformes, le saut qualitatif qui les mènera à leur vrai bon port : la bonne santé du peuple. Ce jour-là, les citoyens sentiront qu’ils ont un président qui comprend leurs souffrances et se soucie de leurs aspirations.
L’élu n’aura plus besoin de plaire aux notables et aux corrompus, par le biais de nominations et de marchés publics. Il aura enfin assumé son destin, porté par la confiance des gens ordinaires, ceux-là même qui forment la Nation.
Ahmed ould Cheikh